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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/172

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une flèche, et qu’elle saisit avec ses serres ; si par hasard elle les manque du premier coup, elle les poursuit sans crainte du danger, jusque dans les maisons ; j’ai vu plus d’une fois mes gens prendre une cresserelle et le petit oiseau qu’elle poursuivait, en fermant la fenêtre d’une chambre ou la porte d’une galerie, qui étaient éloignées de plus de cent toises des vieilles tours d’où elle était partie : lorsqu’elle a saisi et emporté l’oiseau, elle le tue et le plume très proprement avant de le manger ; elle ne prend pas tant de peine pour les souris et les mulots ; elle avale les plus petits tout entiers, et dépèce les autres[NdÉ 1]. Toutes les parties molles du corps de la souris se digèrent dans l’estomac de cet oiseau ; mais la peau se roule et forme une petite pelote qu’il rend par le bec, et non par le bas, car ses excréments sont presque liquides et blanchâtres ; en mettant ces pelotes, qu’elle vomit, dans l’eau chaude pour les ramollir et les étendre, on retrouve la peau entière de la souris comme si on l’eût écorchée. Les ducs, les chouettes, les buses, et peut-être beaucoup d’oiseaux de proie, rendent de pareilles pelotes, dans lesquelles, outre la peau roulée, il se trouve quelquefois des portions les plus dures des os ; il en est de même des oiseaux pêcheurs : les arêtes et les écailles des poissons se roulent dans leur estomac, et ils les rejettent par le bec.

La cresserelle est un assez bel oiseau ; elle a l’œil vif et la vue très perçante, le vol aisé et soutenu ; elle est diligente et courageuse ; elle approche, par le naturel, des oiseaux nobles et généreux ; on peut même la dresser, comme les émerillons, pour la fauconnerie. La femelle est plus grande que le mâle, et elle en diffère en ce qu’elle a la tête rousse, le dessus du dos, des ailes et de la queue, rayé de bandes transversales brunes, et qu’en même temps toutes les plumes de la queue sont d’un brun roux, plus ou moins foncé : au lieu que dans le mâle la tête et la queue sont grises, et que les parties supérieures du dos et des ailes sont d’un roux vineux, semé de quelques petites taches noires.

Nous ne pouvons nous dispenser d’observer que quelques-uns de nos nomenclateurs modernes[1] ont appelé épervier des alouettes la cresserelle femelle, et qu’ils en ont fait une espèce particulière et différente de celle de la cresserelle.

Quoique cet oiseau fréquente habituellement les vieux bâtiments, il y niche plus rarement que dans les bois, et lorsqu’il ne dépose pas ses œufs dans des trous de murailles ou d’arbres creux, il fait une espèce de nid très négligé, composé de bûchettes et de racines, et assez semblable à celui des geais, sur les arbres les plus élevés des forêts ; quelquefois il occupe aussi les nids que les corneilles ont abandonnés ; il pond plus souvent cinq œufs

  1. Brisson, t. Ier, p. 379.
  1. La cresserelle détruit beaucoup plus d’animaux nuisibles que d’oiseaux. On peut donc la considérer comme utile.