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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/173

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que quatre, et quelquefois six et même sept, dont les deux bouts sont teints d’une couleur rougeâtre ou jaunâtre, assez semblable à celle de son plumage. Ses petits, dans le premier âge, ne sont couverts que d’un duvet blanc ; d’abord il les nourrit avec des insectes, et ensuite il leur apporte des mulots en quantité qu’il aperçoit sur terre et du plus haut des airs, où il tourne lentement, et demeure souvent stationnaire pour épier son gibier, sur lequel il fond en un instant ; il enlève quelquefois une perdrix rouge beaucoup plus pesante que lui ; souvent aussi il prend des pigeons qui s’écartent de leur compagnie ; mais sa proie la plus ordinaire, après les mulots et les reptiles, sont les moineaux, les pinsons et les autres petits oiseaux : comme il produit en plus grand nombre que la plupart des autres oiseaux de proie, l’espèce est plus nombreuse et plus répandue ; on la trouve dans toute l’Europe, depuis la Suède[1] jusqu’en Italie et en Espagne[2] ; on la retrouve même dans les pays tempérés de l’Amérique septentrionale[3] ; plusieurs de ces oiseaux restent pendant toute l’année dans nos provinces de France ; cependant j’ai remarqué qu’il y en avait beaucoup moins en hiver qu’en été, ce qui me fait croire que plusieurs quittent le pays pour aller passer ailleurs la mauvaise saison.

J’ai fait élever plusieurs de ces oiseaux dans de grandes volières ; ils sont, comme je l’ai dit, d’un très beau blanc pendant le premier mois de leur vie, après quoi les plumes du dos deviennent roussâtres et brunes en peu de jours ; ils sont robustes et aisés à nourrir ; ils mangent la viande crue qu’on leur présente à quinze jours ou trois semaines d’âge ; ils connaissent bientôt la personne qui les soigne et s’apprivoisent assez pour ne jamais l’offenser ; ils font entendre leur voix de très bonne heure, et, quoique enfermés, ils répètent le même cri qu’ils font en liberté ; j’en ai vu s’échapper et revenir d’eux-mêmes à la volière après un jour ou deux d’absence, et peut-être d’abstinence forcée.

Je ne connais point de variétés dans cette espèce que quelques individus qui ont la tête et les deux plumes du milieu de la queue grises, tels qu’ils nous sont représentés par M. Frisch (pl. lxxxv) ; mais M. Salerne fait mention d’une cresserelle jaune qui se trouve en Sologne et dont les œufs sont de cette même couleur jaune. « Cette cresserelle, dit-il, est rare, et quelquefois elle se bat généreusement contre le jean-le-blanc, qui, quoique plus fort, est souvent obligé de lui céder ; on les a vus, ajoute-t-il, s’accrocher ensemble en l’air et tomber de la sorte par terre comme une motte ou une pierre. » Ce fait me paraît bien suspect, car l’oiseau jean-le-blanc est non seulement très supérieur à la cresserelle par la force, mais il a le vol et toutes les allures si différentes, qu’ils ne doivent guère se rencontrer.


  1. Linn., Faun. Suec., no 67.
  2. Aldrov., Avi., t. Ier, p. 356.
  3. Hans Sloane, Jamaïc., p. 294.