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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/175

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et le naturel[1], ressemble néanmoins plus au hobereau par la figure et encore plus au rochier ; on le distinguera cependant du hobereau en ce qu’il a les ailes beaucoup plus courtes et qu’elles ne s’étendent pas à beaucoup près jusqu’à l’extrémité de la queue, au lieu que celles du hobereau s’étendent un peu au delà de cette extrémité ; mais, comme nous l’avons déjà fait sentir dans l’article précédent, ses ressemblances avec le rochier sont si grandes, tant pour la grosseur et la longueur du corps, la forme du bec, des pieds et des serres, les couleurs du plumage, la distribution des taches, etc., qu’on serait très bien fondé à regarder le rochier comme une variété de l’émerillon, ou du moins comme une espèce si voisine qu’on doit suspendre son jugement sur la diversité de ces deux espèces ; au reste, l’émerillon s’éloigne de l’espèce du faucon et de celle de tous les autres oiseaux de proie par un attribut qui le rapproche de la classe commune des autres oiseaux : c’est que le mâle et la femelle sont dans l’émerillon de la même grandeur, au lieu que, dans tous les autres oiseaux de proie, le mâle est bien plus petit que la femelle ; cette singularité ne tient donc point à leur manière de vivre, ni à rien de tout ce qui distingue les oiseaux de proie des autres oiseaux ; elle semblerait d’abord appartenir à la grandeur, parce que dans les pies-grièches, qui sont encore plus petites que les émerillons, le mâle et la femelle sont aussi de la même grosseur, tandis que dans les aigles, les vautours, les gerfauts, les autours, les faucons et les éperviers, le mâle est d’un tiers ou d’un quart plus petit que la femelle. Après avoir réfléchi sur cette singularité et reconnu qu’elle ne pouvait pas dépendre des causes générales, j’ai recherché s’il n’y en avait pas de particulières auxquelles on pût attribuer cet effet, et j’ai trouvé, en comparant les passages de ceux qui ont disséqué des oiseaux de proie, qu’il y a dans la plupart des femelles un double cæcum assez gros et assez étendu, tandis que dans les mâles il n’y a qu’un cæcum, et quelquefois point du tout ; cette différence de la conformation intérieure, qui se trouve toujours en plus dans les femelles que dans les mâles, peut être la vraie cause physique de leur excès en grandeur. Je laisse aux gens qui s’occupent d’anatomie à vérifier plus exactement ce fait, qui seul m’a paru propre à rendre raison de la supériorité de grandeur de la femelle sur le mâle dans presque toutes les espèces des grands oiseaux de proie[NdÉ 1].

L’émerillon vole bas, quoique très vite et très légèrement ; il fréquente les

  1. Plusieurs auteurs, ayant fait la remarque de la conformité de l’émerillon avec le faucon, l’ont appelé petit faucon, falco parvus merlinus. Schwenckfeld, Avi. Sil., p. 349. — Falconellus, Rzac., Auct. Hist. nat. Pol., p. 354.
  1. L’hypothèse qu’émet ici Buffon pour expliquer la différence de taille qui existe chez tous les oiseaux de proie entre le mâle et la femelle, et les dimensions plus grandes de la femelle, nous paraît fort contestable. C’est, sans nul doute, dans un autre ordre de causes qu’il faut chercher celle de cette différence.