Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

OISEAUX QUI NE PEUVENT VOLER


Des oiseaux les plus légers et qui percent les nues, nous passons aux plus pesants, qui ne peuvent quitter la terre[NdÉ 1] : le pas est brusque, mais la comparaison est la voie de toutes nos connaissances, et le contraste étant ce qu’il y a de plus frappant dans la comparaison, nous ne saisissons jamais mieux que par l’opposition les points principaux de la nature des êtres que nous considérons. De même, ce n’est que par un coup d’œil ferme sur les extrêmes que nous pouvons juger les milieux. La nature, déployée dans toute son étendue, nous présente un immense tableau dans lequel tous les ordres des êtres sont chacun représentés par une chaîne qui soutient une suite continue d’objets assez voisins, assez semblables pour que leurs différences soient difficiles à saisir ; cette chaîne n’est pas un simple fil qui ne s’étend qu’en longueur, c’est une large trame ou plutôt un faisceau qui, d’intervalle en intervalle, jette des branches de côté pour se réunir avec les faisceaux d’un autre ordre ; et c’est surtout aux deux extrémités que ces faisceaux se plient, se ramifient pour en atteindre d’autres. Nous avons vu dans l’ordre des quadrupède l’une des extrémités de la chaîne s’élever vers l’ordre des oiseaux par les polatouches, les roussettes, les chauves-souris, qui, comme eux, ont la faculté de voler. Nous avons vu cette même chaîne, par son autre extrémité, se rabaisser jusqu’à l’ordre des cétacés par les phoques, les morses, les lamantins. Nous avons vu, dans le milieu de cette chaîne, une branche s’étendre du singe à l’homme par le magot, le gibbon, le pithèque et l’orang-outang. Nous l’avons vue, dans un autre point, jeter un double et triple rameau, d’un côté vers les reptiles par les fourmilliers, les phatagins, les pangolins, dont la forme approche de celle des crocodiles, des iguanes, des lézards ; et, d’autre côté, vers les crustacés par les tatous, dont le corps en entier est revêtu d’une cuirasse osseuse. Il en sera de même du faisceau qui soutient l’ordre très nombreux des oiseaux : si nous plaçons au premier point en haut les oiseaux aériens les plus légers, les mieux volants, nous descendrons par degrés et même par nuances presque insensibles aux oiseaux

  1. Sous le nom « d’oiseaux qui ne peuvent voler » Buffon décrit des oiseaux qui sont actuellement groupés sous le nom de Coureurs. Nous avons déjà indiqué les caractères de ce groupe.