Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’AUTRUCHE


L’autruche[NdÉ 1] est un oiseau très anciennement connu, puisqu’il en est fait mention dans le plus ancien des livres ; il fallait même qu’il fût très connu, car il fournit aux écrivains sacrés plusieurs comparaisons tirées de ses mœurs et de ses habitudes[1] ; et plus anciennement encore sa chair était, selon toute apparence, une viande commune au moins parmi le peuple, puisque le législateur des juifs la leur interdit comme une nourriture immonde[2] ; enfin il en est question dans Hérodote, le plus ancien des historiens profanes[3], et dans

  1. « Habitabunt ibi struthiones. » Isaïe, ch. xiii, v. 21. — « Filia populi mei crudelis quasi struthio in deserto. » Jérém., Thren., cap. iv, v. 3. — « Luctum quasi struthionum. » Mich., cap. i, v. 8.
  2. Levitic., cap. xi, v. 16. — Deuteron., cap. xiv, v. 15
  3. Hérodote, si l’on en croit M. de Salerne (Ornithol., p. 79), parle de trois sortes d’autruches : le strouthos aquatique ou marin, qui est le poisson plat nommé plie ; l’aérien, qui est notre moineau, et le terrestre (katagaios), qui est notre autruche. De ces trois espèces, la dernière est la seule dont j’aie trouvé l’indication dans Hérodote (in Melpomene, versus finem) ; encore ne puis-je être de l’avis de M. Salerne sur la manière d’entendre le strouthos katagaios, qui, selon moi, doit être ici traduit par autruche se creusant des trous dans la terre, non que j’admette de telles autruches, mais parce qu’Hérodote parle en cet endroit des productions singulières et propres à une certaine région de l’Afrique, et non de celles qui lui étaient communes avec d’autres contrées (Hæ sunt illic feræ, et item quæ alibi). Or, l’autruche ordinaire étant très répandue et par conséquent très connue dans toute l’Afrique, ou bien il n’en aurait pas fait mention en ce lieu, puisqu’elle n’était pas une production propre au pays dont il parlait, ou du moins, s’il en eût fait mention, il aurait omis l’épithète de terrestre, qui n’ajoutait rien à l’idée que tout le monde en avait ; et en cela cet historien n’eût fait que suivre ses propres principes, puisqu’il dit ailleurs (in Thalia), en parlant du chameau : « Græcis utpotè scientibus non puto describendum. » Il faut donc, pour donner au passage ci-dessus un sens conforme à l’esprit de l’auteur, rendre le katagaios comme je l’ai rendu, d’autant plus qu’il existe réellement des oiseaux qui ont l’instinct de se cacher dans le sable, et qu’il est question dans le même passage de choses encore plus étranges,
  1. Struthio Camelus L. [Note de Wikisource : actuellement Struthio camelus Linnæus]. — Les Autruches sont des oiseaux de l’ordre des Coureurs, de la famille des Struthionidés. Ce sont des animaux de très grande taille, à tête et à cou nus ; à bec droit ; à ceinture pelvienne complète ; à pattes pourvues de deux doigts dont l’interne, plus gros que l’autre, est seul armé d’un ongle large et émoussé ; les ailes et la queue sont dépourvues de rémiges ; celles-ci sont remplacées par des plumes molles et décomposées, tombantes. Cette petite famille ne se compose que seul du genre Struthio qui est caractérisé par un bec droit, obtus, flexible, arrondi et aplati à l’extrémité ; fendu jusqu’en arrière de l’œil ; des narines oblongues prolongées jusqu’au milieu du bec ; des yeux grands, très beaux, munis de cils au niveau du bord de la paupière supérieure ; des oreilles nues et larges ; un cou long, grêle, presque nu ; un espace calleux, nu, au milieu de la poitrine ; des jambes longues, fortes ; des ailes pourvues d’un double ergot ; des tarses couverts de larges écailles.