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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/251

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semble l’avoir cru, par une méprise bien déplacée dans un ouvrage sur la subtilité.

Redi a reconnu, par de nombreuses observations, que presque tous les oiseaux étaient sujets à avoir de la vermine dans leurs plumes, et même de plusieurs espèces, et que la plupart avaient leurs insectes particuliers qui ne se rencontraient point ailleurs ; mais il n’en a jamais trouvé en aucune saison dans les autruches, quoiqu’il ait fait ses observations sur douze de ces animaux, dont quelques-uns étaient récemment arrivés de Barbarie[1].

D’un autre côté Vallisnieri, qui en a disséqué deux, n’a trouvé dans leur intérieur ni lombrics, ni vers, ni insectes quelconques[2] ; il semble qu’aucun de ces animaux n’ait d’appétit pour la chair de l’autruche, qu’ils l’évitent même et la craignent, et que cette chair ait quelque qualité contraire à leur multiplication, à moins qu’on ne veuille attribuer cet effet, du moins pour l’intérieur, à la force de l’estomac et de tous les organes digestifs, car l’autruche a une grande réputation à cet égard ; il y a bien des gens encore qui croient qu’elle digère le fer, comme la volaille commune digère les grains d’orge ; quelques auteurs ont même avancé qu’elle digérait le fer rouge[3], mais on me dispensera sans doute de réfuter sérieusement cette dernière assertion ; ce sera bien assez de déterminer d’après les faits dans quel sens on peut dire que l’autruche digère le fer à froid[NdÉ 1].

Il est certain que les animaux vivent principalement de matières végétales[NdÉ 2], qu’ils ont le gésier muni de muscles très forts, comme tous les granivores[4], et qu’ils avalent fort souvent du fer[5], du cuivre, des pierres, du verre, du bois et tout ce qui se présente ; je ne nierais pas même

  1. Collection Acad., t. Ier de l’Histoire naturelle, p. 464.
  2. Œuvres de Vallisnieri, t. Ier, p. 246.
  3. Marmol, Description de l’Afrique, t. Ier, p. 64.
  4. Quoique l’autruche soit omnivore, dans le fait, il semble néanmoins qu’on doit la ranger parmi les granivores, puisque dans ses déserts elle vit de dattes et autres fruits ou matières végétales, et que dans les ménageries on la nourrit de ces matières : d’ailleurs, Strabon nous dit, liv. vi, que lorsque les chasseurs veulent l’attirer dans le piège qu’ils lui ont préparé ils lui présentent du grain pour appât.
  5. Je dis fort souvent, car Albert assure très positivement qu’il n’a jamais pu faire avaler du fer à plusieurs autruches, quoiqu’elles dévorassent avidement des os fort durs et même des pierres. Voyez Gessner, de Avibus, p. 742, C.
  1. Il est inutile de dire que l’autruche ne digère pas le moins du monde le fer ; celui-ci se borne à s’oxyder sous l’influence des liquides de l’estomac.
  2. Les autruches se nourrissent surtout, comme le dit Buffon, de matières végétales : jeunes herbes, graines, etc. ; mais elles mangent aussi des mollusques, et peut-être des serpents, des lézards, des grenouilles, des coléoptères, et même de petits vertébrés. En captivité, on en a vu manger de jeunes canards ou des poussins. Elle est très sobre mais boit de grandes quantités d’eau.