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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/259

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ondoyant ; mais il est bon de savoir que les plumes dont on fait le plus de cas sont celles qui s’arrachent à l’animal vivant, et on les reconnaît en ce que leur tuyau étant pressé dans les doigts donne un suc sanguinolent ; celles au contraire qui ont été arrachées après la mort sont sèches, légères et fort sujettes aux vers[1].

Les autruches, quoique habitantes du désert, ne sont pas aussi sauvages qu’on l’imaginerait : tous les voyageurs s’accordent à dire qu’elles s’apprivoisent facilement, surtout lorsqu’elles sont jeunes. Les habitants de Dara, ceux de Libye, etc., en nourrissent des troupeaux[2], dont ils tirent sans doute ces plumes de première qualité, qui ne se prennent que sur les autruches vivantes ; elles s’apprivoisent même sans qu’on y mette de soin, et par la seule habitude de voir des hommes et d’en recevoir la nourriture et de bons traitements. Brue, en ayant acheté deux à Serinpate sur la côte d’Afrique, les trouva tout apprivoisées lorsqu’il arriva au fort Saint-Louis[3].

On fait plus que de les apprivoiser ; on en a dompté quelques-unes au point de les monter comme on monte un cheval ; et ce n’est pas une invention moderne, car le tyran Firmius, qui régnait en Égypte sur la fin du iiie siècle, se faisait porter, dit-on, par de grandes autruches[4]. Moore, Anglais, dit avoir vu à Joar, en Afrique, un homme voyageant sur une autruche[5]. Vallisnieri parle d’un jeune homme qui s’était fait voir à Venise monté sur une autruche, et lui faisant faire des espèces de voltes devant le menu peuple[6] ; enfin, M. Adanson a vu au comptoir de Podor deux autruches, encore jeunes, dont la plus forte courait plus vite que le meilleur coureur anglais[NdÉ 1], quoiqu’elle eût deux nègres sur son dos[7] ; tout cela

  1. Histoire générale des voyages, t. II, p. 632.
  2. Marmol, Description de l’Afrique, t. III, p. 11.
  3. Histoire générale des Voyages, t. II, p. 608.
  4. « Firmius imperator vectus est ingentibus struthionibus. » Textor, Off., apud Gesnerum, p. 573.
  5. Histoire générale des Voyages, t. III, p. 84.
  6. Vallisnieri, t. Ier, p. 251.
  7. « Deux autruches qu’on élevait depuis près de deux ans au comptoir de Podor, sur le Niger, quoique jeunes encore, égalaient, à très peu près, la grosseur des plus grosses de celles que je n’avais aperçues qu’en passant dans les campagnes brûlées et sablonneuses de la gauche du Niger : celles-ci étaient si privées, que deux petits noirs montèrent ensemble la plus grande des deux ; celle-ci n’eut pas plutôt senti ce poids, qu’elle se mit à courir de toutes ses forces et leur fit faire plusieurs fois le tour du village, sans qu’il fût possible de
  1. D’après Cuvier « la rapidité de sa course surpasse celle de tous les animaux connus ; elle est telle que ceux qui la montent, sans en avoir pris petit à petit l’habitude, sont bientôt suffoqués, faute de pouvoir reprendre leur haleine. Les ailes lui servent à accélérer cette course en frappant l’air ; mais elles ne sont pas à beaucoup près assez grandes pour élever la masse de son corps au-dessus du sol. »

    D’après Gosse, une autruche peut faire « en une heure, 28 kilomètres 394 mètres, et comme, suivant certains auteurs, ce n’est qu’au bout de huit à dix heures d’une course pareille qu’elle succombe par la fatigue, elle franchirait, dans ce court espace de temps, de 227 à 481 kilomètres. »