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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/264

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donné, ou plutôt que lui a conservé M. Brisson, et je préférerai sans hésiter ce nom barbare, qui vraisemblablement a quelque rapport à la voix ou au cri de l’oiseau ; je le préférerai, dis-je, aux dénominations scientifiques, qui trop souvent ne sont propres qu’à donner de fausses idées, et aux noms nouveaux, qui n’indiquent aucun caractère, aucun attribut essentiel de l’être auquel on les applique.

M. Brisson paraît croire qu’Aldrovande a voulu désigner le touyou sous le nom d’avis eme[1], et il est très vrai qu’au tome III de l’Ornithologie de ce dernier, page 541, il se trouve une planche qui représente le touyou et le casoar, d’après les deux planches de Nieremberg, page 218 ; et qu’au-dessus de la planche d’Aldrovande est écrit en gros caractère avis eme, de même que la figure du touyou, dans Nieremberg, porte en tête le nom d’émeu ; mais il est visible que ces deux titres ont été ajoutés par les graveurs ou les imprimeurs, peu instruits de l’intention des auteurs, car Aldrovande ne dit pas un mot du touyou, Nieremberg n’en parle que sous les noms d’yardou, de suri et d’autruche d’Occident, et tous deux, dans leur description, appliquent les noms d’eme et d’émeu au seul casoar de Java : en sorte que, pour prévenir la confusion des noms, l’eme d’Aldrovande et l’émeu de Nieremberg ne doivent plus désormais reparaître dans la liste des dénominations du touyou. Marcgrave dit que les Portugais l’appellent ema dans leur langue[2] ; mais les Portugais, qui avaient beaucoup de relations dans les Indes orientales, connaissaient l’émeu de Java, et ils ont donné son nom au touyou d’Amérique, qui lui ressemblait plus qu’à aucun autre oiseau, de même que nous avons donné le nom d’autruche à ce même touyou ; et il doit demeurer pour constant que le nom d’émeu est propre au casoar des Indes orientales, et ne convient ni au touyou ni à aucun autre oiseau d’Amérique.

En détaillant les différents noms du touyou, j’ai indiqué en partie les différentes contrées où il se trouve : c’est un oiseau propre à l’Amérique méridionale, mais qui n’est pas également répandu dans toutes les provinces de ce continent. Marcgrave nous apprend qu’il est rare d’en voir aux environs de Fernambouc ; il ne l’est pas moins au Pérou et le long des côtes les plus fréquentées, mais il est plus commun dans la Guiane[3], dans les capitaineries de Sérégippe et de Rio-Grande[4], dans les provinces intérieures du Brésil[5], au Chili[6], dans les vastes forêts qui sont au nord de l’embouchure de la Plata[7], dans les savanes immenses qui s’étendent au sud de cette

  1. Brisson, t. V de son Ornithologie, p. 8.
  2. Marcgrave, Hist. nat. Bras., p. 190.
  3. Barrère, France équinoxiale, p. 133.
  4. Marcgrave, Hist. nat. Bras., p. 190.
  5. Histoire générale des Voyages, t. XIV, p. 299.
  6. Histoire des Incas, t. II, p. 274 et suivantes.
  7. Wafer, Nouveaux voyages de Dampier, t. V, p. 308.