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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/265

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rivière[1], et dans toute la terre magellanique[2], jusqu’au port Désiré, et même jusqu’à la côte qui borde le détroit de Magellan[3] : autrefois il y avait des cantons dans le Paraguay qui en étaient remplis, surtout les campagnes arrosées par l’Uruguay ; mais à mesure que les hommes s’y sont multipliés, ils en ont tué un grand nombre, et le reste s’est éloigné[4] : le capitaine Vood assure que, bien qu’ils abondent sur la côte septentrionale du détroit de Magellan, on n’en voit point du tout sur la côte méridionale[5] ; et quoique Coréal dise qu’il en a aperçu dans les îles de la mer du Sud[6], ce détroit paraît être la borne du climat qui convient au touyou, comme le cap de Bonne-Espérance est la borne du climat qui convient aux autruches ; et ces îles de la mer du Sud où Coréal dit avoir vu des touyous seront apparemment quelques-unes de celles qui avoisinent les côtes orientales de l’Amérique au delà du détroit : il paraît de plus que le touyou, qui se plaît, comme l’autruche, sous la zone torride, s’habitue plus facilement à des pays moins chauds, puisque la pointe de l’Amérique méridionale, qui est terminée par le détroit de Magellan, s’approche bien plus du pôle que le cap de Bonne-Espérance ou qu’aucun autre climat habité volontairement par les autruches ; mais, comme selon toutes les relations, le touyou n’a pas plus que l’autruche la puissance de voler, qu’il est, comme elle, un oiseau tout à fait terrestre, et que l’Amérique méridionale est séparée de l’ancien continent par des mers immenses, il s’ensuit qu’on ne doit pas plus trouver de touyous dans ce continent qu’on ne trouve d’autruches en Amérique, et cela est en effet conforme au témoignage de tous les voyageurs.

Le touyou, sans être tout à fait aussi gros que l’autruche, est le plus gros oiseau du nouveau monde ; les vieux ont jusqu’à six pieds de haut[7], et Wafer, qui a mesuré la cuisse d’un des plus grands, l’a trouvée presque égale à celle d’un homme[8] ; il a le long cou, la petite tête et le bec aplati de l’autruche[9], mais pour tout le reste il a plus de rapport avec le casoar : je trouve même dans l’histoire du Brésil par M. l’abbé Prevost[10], mais point ailleurs, l’indication d’une espèce de corne que cet oiseau a sur le bec, et qui, si elle existait en effet, serait un trait de ressemblance de plus avec le casoar.

  1. Ibidem, p. 68.
  2. Ibidem, t. IV, p. 69, et t. V, p. 181.
  3. Ibidem, p. 192.
  4. Histoire du Paraguai, du P. Charlevoix, t. Ier, p. 33, et t. II, p. 172.
  5. Suite des Voyages de Dampier, t. V, p. 192.
  6. Voyages de Coréal, t. II, p. 208.
  7. Barrère, France équinoxiale, p. 133.
  8. Suite des Voyages de Dampier, t. IV, p. 308.
  9. On voit dans la figure de Nieremberg, p. 218, une espèce de calotte sur le sommet de la tête qui a du rapport à la plaque dure et calleuse que l’autruche a au même endroit, selon le docteur Browne (voyez l’Histoire de l’Autruche) ; mais il n’est question de cette calotte ni dans la description de Nieremberg, ni dans aucune autre.
  10. Histoire générale des Voyages, t. XIV. p. 299.