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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/311

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Les auteurs de la Zoologie britannique, qui se sont voués à ne décrire aucun animal qui ne fût breton, ou du moins d’origine bretonne, auraient cru manquer à leur vœu s’ils eussent décrit une petite outarde qui avait été cependant tuée dans la province de Cornouailles, mais qu’ils ont regardée comme un oiseau égaré, et tout à fait étranger à la Grande-Bretagne[1] ; elle l’est en effet à un tel point qu’un individu de cette espèce ayant été présenté à la Société royale, aucun des membres qui étaient présents ce jour-là ne le reconnut, et qu’on fut obligé de députer à M. Edwards pour savoir ce que c’était[2].

D’un autre côté, Belon nous assure que de son temps les ambassadeurs de Venise, de Ferrare et du pape, à qui il en montra une, ne la reconnurent pas mieux, ni personne de leur suite, et que quelques-uns la prirent pour une faisane : d’où il conclut avec raison qu’elle doit être fort rare en Italie[3] ; et cela est vraisemblable, quoique M. Ray, passant par Modène, en ait vu une au marché[4] : voilà donc la Pologne, la Suède, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Suisse et l’Italie à excepter du nombre des pays de l’Europe où se trouve la petite outarde ; et ce qui pourrait faire croire que ces exceptions sont encore trop limitées, et que la France est le seul climat propre, le seul pays naturel de cet oiseau, c’est que les naturalistes français sont ceux qui paraissent le connaître mieux, et presque les seuls qui en parlent d’après leurs propres observations, et que tous les autres, excepté M. Klein, qui n’en avait vu qu’un, n’en parlent que d’après Belon.

Mais il ne faut pas même croire que la petite outarde soit également commune dans tous les cantons de la France ; je connais de très grandes provinces de ce royaume où elle ne se voit point.

M. Salerne dit qu’on la trouve assez communément dans la Beauce (où cependant elle n’est que passagère), qu’on la voit arriver vers le milieu d’avril, et s’en aller aux approches de l’hiver ; il ajoute qu’elle se plaît dans les terres maigres et pierreuses, raison pourquoi on l’appelle canepetrace, et ses petits petraceaux. On la voit aussi dans le Berri, où elle est connue sous le nom de canepetrotte[5] ; enfin elle doit être commune dans le Maine et la Normandie, puisque Belon, jugeant de toutes les autres provinces de France par celle-ci, qu’il connaissait le mieux, avance qu’il n’y a paysan dans ce royaume qui ne la sache nommer[6].

La petite outarde est naturellement rusée et soupçonneuse, au point que

  1. Britisch Zoology, p. 288.
  2. Edwards, Glanures, p. ccli.
  3. Belon, Hist. nat. des oiseaux, p. 237.
  4. Ray, Synopsis method. Avium, p. 59.
  5. Salerne, Hist. nat. des oiseaux, p. 155.
  6. Belon, Hist. nat. des oiseaux, p. 237.