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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/323

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a été privé de poules pendant du temps, il s’adresse à la première femelle qui se présente, fût-elle d’une espèce fort éloignée[1], et même il s’en fait une du premier mâle qu’il trouve en son chemin ; le premier fait est cité par Aristote, et le second est attesté par l’observation de M. Edwards[2], et par une loi dont parle Plutarque[3], laquelle condamnait au feu tout coq convaincu de cet excès de nature.

Les poules doivent être assorties au coq, si l’on veut une race pure ; mais si l’on cherche à varier et même à perfectionner l’espèce, il faut croiser les races. Cette observation n’avait point échappé aux anciens : Columelle dit positivement que les meilleurs poulets sont ceux qui proviennent du mélange d’un coq de race étrangère avec les poules communes ; et nous voyons dans Athénée que l’on avait encore enchéri sur cette idée en donnant un coq faisan aux poules ordinaires[4][NdÉ 1].

Dans tous les cas, on doit choisir celles qui ont l’œil éveillé, la crête flottante et rouge, et qui n’ont point d’éperons ; les proportions de leur corps sont en général plus légères que celles du mâle, cependant elles ont les plumes plus larges et les jambes plus basses ; les bonnes fermières donnent la préférence aux poules noires, comme étant plus fécondes que les blanches, et pouvant échapper plus facilement à la vue perçante de l’oiseau de proie qui plane sur les basses-cours.

Le coq a beaucoup de soin, et même d’inquiétude et de souci pour ses poules ; il ne les perd guère de vue, il les conduit, les défend, les menace, va chercher celles qui s’écartent, les ramène, et ne se livre au plaisir de manger que lorsqu’il les voit toutes manger autour de lui : à juger par les différentes inflexions de sa voix et par les différentes expressions de sa mine, on ne peut guère douter qu’il ne leur parle différents langages ; quand il les perd, il donne des signes de regrets ; quoique aussi jaloux qu’amoureux, il n’en maltraite aucune, sa jalousie ne l’irrite que contre ses concurrents ; s’il se présente un autre coq, sans lui donner le temps de rien entreprendre, il accourt l’œil en feu, les plumes hérissées, se jette sur son rival, et lui livre un combat opiniâtre jusqu’à ce que l’un ou l’autre succombe, ou que le nouveau

  1. « Ex perdice et gallinaceo tertium generatur, quod, procedente, tempore feminæ assimilatur. » Aristot., Hist. animal., lib. ix, cap. xlix.
  2. Ayant renfermé trois ou quatre jeunes coqs dans un lieu où ils ne pouvaient avoir de communication avec aucune poule, bientôt ils déposèrent leur animosité précédente, et au lieu de se battre, chacun tâchait de cocher son camarade, quoique aucun ne parût bien aise d’être coché. Voyez Préface des Glanures, t. II.
  3. Tractatus : Num bruta ratione utantur.
  4. De Re rusticâ, lib. viii, cap. ii. — Longolius indique la façon de faire réussir cette union du coq faisan avec les poules communes. Gesner, de Avibus, p. 445. Et l’on m’a assuré que ces poules se mêlent aussi avec le coq peintade lorsqu’on les a élevés de jeunesse ensemble ; mais que les mulets qui proviennent de ce mélange sont peu féconds.
  1. La poule s’hybride très bien avec le faisan ; il en est de même du coq avec la peintade.