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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/326

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pour opérer ou avancer le développement du poulet, mais qu’il faut encore que l’œuf soit formé, ou bien qu’il se trouve en lieu où il puisse transpirer, pour que l’embryon qu’il renferme soit susceptible d’incubation, autrement tous les œufs qui resteraient dans l’oviductus vingt et un jours après avoir été fécondés ne manqueraient pas d’y éclore, puisqu’ils auraient le temps et la chaleur nécessaires pour cela, et les poules seraient tantôt ovipares et tantôt vivipares[1].

Le poids moyen d’un œuf de poule ordinaire est d’environ une once six gros : si on ouvre un de ces œufs avec précaution on trouvera d’abord, sous la coque, une membrane commune qui en tapisse toute la cavité, ensuite le blanc externe qui a la forme de cette cavité ; puis le blanc interne qui est plus arrondi que le précédent, et enfin, au centre de ce blanc, le jaune qui est sphérique : ces différentes parties sont contenues chacune dans sa membrane propre, et toutes ces membranes sont attachées ensemble à l’endroit de ces chalazæ ou cordons, qui forment comme les deux pôles du jaune ; la petite vésicule lenticulaire, appelée cicatricule, se trouve à peu près sur son équateur, et fixée solidement à sa surface[2].

À l’égard de sa forme extérieure, elle est trop connue pour qu’il soit besoin de la décrire ; mais elle est assez souvent altérée par des accidents dont il est facile, ce me semble, de rendre raison, d’après l’histoire de l’œuf même et de sa formation.

Il n’est pas rare de trouver deux jaunes dans une seule coque : cela arrive lorsque deux œufs également mûrs se détachent en même temps de l’ovaire, parcourent ensemble l’oviductus et, formant leur blanc sans se séparer, se trouvent réunis sous la même enveloppe.

Si, par quelque accident facile à supposer, un œuf détaché depuis quelque temps de l’ovaire se trouve arrêté dans son accroissement, et qu’étant formé autant qu’il peut l’être, il se rencontre dans la sphère d’activité d’un autre œuf qui aura toute sa force, celui-ci l’entraînera avec lui, et ce sera un œuf dans un œuf[3].

On comprendra de même comment on y trouve quelquefois une épingle

  1. Je ne vois que le docteur Michel Lyzeruts qui ait parlé d’une poule vivipare ; mais les exemples en seraient plus fréquents s’il ne fallait que de la chaleur à un œuf fécondé pour éclore. Voyez Éphémérides d’Allemagne, déc. ii, ann. 4, append. observ. xxviii.
  2. Bellini, trompé par ses expériences, ou plutôt par les conséquences qu’il en avait tirées, croyait et avait fait croire à beaucoup de monde que, dans les œufs frais durcis à l’eau bouillante, la cicatricule quittait la surface du jaune pour se retirer au centre, mais que, dans les œufs couvés durcis de même, la cicatricule restait constamment attachée à la surface. Les savants de Turin, en répétant et variant les mêmes expériences, se sont assurés que, dans tous les œufs couvés ou non couvés, la cicatricule restait toujours adhérente à la surface du jaune durci, et que le corps blanc que Bellini avait vu au centre et qu’il avait pris pour la cicatricule n’était rien moins que cela et ne paraissait, en effet, au centre du jaune que lorsqu’il était ni trop ni trop peu cuit.
  3. Collection académique, partie française, t. I, p. 388, et t. II, p. 327 ; et partie étrangère, t. IV, p. 337.