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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/327

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ou tout autre corps étranger qui aura pu pénétrer jusque dans l’oviductus[1].

Il y a des poules qui donnent des œufs hardés ou sans coque, soit par le défaut de la matière propre dont se forme la coque, soit parce qu’ils sont chassés de l’oviductus avant leur entière maturité ; aussi n’en voit-on jamais éclore de poulet, et cela arrive, dit-on, aux poules qui sont trop grasses : des causes directement contraires produisent les œufs à coque trop épaisse, et même des œufs à double coque ; on en a vu qui avaient conservé le pédicule par lequel ils étaient attachés à l’ovaire, d’autres qui étaient contournes en manière de croissant, d’autres qui avaient la forme d’une poire ; d’autres, enfin, qui portaient sur leur coquille l’empreinte d’un soleil, d’une comète[2], d’une éclipse ou de tel autre objet dont on avait l’imagination frappée : on en a même vu quelques-uns de lumineux : ce qu’il y avait de réel dans ces premiers phénomènes, c’est-à-dire les altérations de la forme de l’œuf, ou les empreintes à sa surface, ne doit s’attribuer qu’aux différentes compressions qu’il avait éprouvées dans le temps que sa coque était encore assez souple pour céder à l’effort et néanmoins assez ferme pour en conserver l’impression : il ne serait pas tout à fait si facile de rendre raison des œufs lumineux[3] ; un docteur allemand en a observé de tels, qui étaient actuellement sous une poule blanche, fécondée, ajoute-t-il, par un coq très ardent. On ne peut honnêtement nier la possibilité du fait ; mais, comme il est unique, il est prudent de répéter l’observation avant de l’expliquer[NdÉ 1].

À l’égard de ces prétendus œufs de coq qui sont sans jaunes et contiennent, à ce que croit le peuple, un serpent[4], ce n’est autre chose, dans la vérité, que le premier produit d’une poule trop jeune, ou le dernier effort d’une poule épuisée par sa fécondité même, ou enfin ce ne sont que des œufs imparfaits dont le jaune aura été crevé dans l’oviductus de la poule, soit par quelque accident, soit par un vice de conformation, mais qui auront toujours conservé leurs cordons ou chalazæ, que les amis du merveilleux n’auront pas manqué de prendre pour un serpent ; c’est ce que M. de la Peyronie a mis hors de doute par la dissection d’une poule qui pondait de ces œufs ; mais ni M. de la Peyronie, ni Thomas Bartholin, qui ont disséqué de prétendus coqs ovipares[5], ne leur ont trouvé d’œufs, ni d’ovaires, ni aucune partie équivalente[NdÉ 2].

  1. Ibidem, partie française, t. I, p. 388.
  2. Ibidem, partie étrangère, t. IV, p. 160.
  3. Éphémérides des Curieux de la nature, déc. ii, ann. 6, append. observ. xxv.
  4. Collection académique, partie française, t. III.
  5. Collection académique, partie étrangère, t. IV, p. 225.
  1. Buffon accueille parfois avec grande facilité des racontars indignes de figurer dans une œuvre aussi magistrale que l’est la sienne ; telle est la légende de l’œuf lumineux.
  2. Les œufs désignés vulgairement sous le nom « d’œufs de coq » sont des œufs de jeunes poules dans lesquels le jaune, incomplètement formé, n’est que très peu abondant.