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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/328

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Les poules pondent indifféremment pendant toute l’année, excepté pendant la mue, qui dure ordinairement six semaines ou deux mois, sur la fin de l’automne et au commencement de l’hiver : cette mue n’est autre chose que la chute des vieilles plumes qui se détachent comme les vieilles feuilles des arbres, et comme les vieux bois des cerfs, étant poussées par les nouvelles ; les coqs y sont sujets comme les poules : mais ce qu’il y a de remarquable, c’est que les nouvelles plumes prennent quelquefois une couleur différente de celle des anciennes. Un de nos observateurs a fait cette remarque sur une poule et sur un coq, et tout le monde la peut faire sur plusieurs autres espèces d’oiseaux, et particulièrement sur les bengalis dont le plumage varie presque à chaque mue ; et, en général, presque tous les oiseaux ont leurs premières plumes, en naissant, d’une couleur différente de celle dont elles doivent revenir dans la suite.

La fécondité ordinaire des poules consiste à pondre presque tous les jours : on dit qu’il y en a en Samogitie[1], à Malacca et ailleurs[2], qui pondent deux fois par jour. Aristote parle de certaines poules d’Illyrie qui pondaient jusqu’à trois fois, et il y a apparence que ce sont les mêmes que ces petites poules adriènes ou adriatiques dont il parle dans un autre endroit, et qui étaient renommées pour leur fécondité : quelques-uns ajoutent qu’il y a telle manière de nourrir les poules communes qui leur donne cette fécondité extraordinaire ; la chaleur y contribue beaucoup ; on peut faire pondre les poules en hiver en les tenant dans une écurie où il y a toujours du fumier chaud sur lequel elles puissent séjourner.

Dès qu’un œuf est pondu, il commence à transpirer et perd chaque jour quelques grains de son poids par l’évaporation des parties les plus volatiles de ses sucs ; à mesure que cette opération se fait, ou bien il s’épaissit, se durcit et se dessèche, ou bien il contracte un mauvais goût, et il se gâte enfin totalement au point qu’il devient incapable de rien produire : l’art de lui conserver longtemps toutes ses qualités se réduit à mettre obstacle à cette transpiration[3] par une couche de matière grasse quelconque dont on enduit exactement sa coque peu de moments après qu’il a été pondu ; avec cette seule précaution on gardera pendant plusieurs mois et même pendant des années des œufs bons à manger, susceptibles d’incubation, et qui auront en un mot toutes les propriétés des œufs frais[4] : les habitants de Tonquin

  1. Rzaczynski, Hist. nat. Polon., p. 432.
  2. Bontekoe, Voyage aux Indes orientales, p. 234.
  3. Le Journal économique du mois de mars 1755 fait mention de trois œufs, bons à manger, trouvés en Italie dans l’épaisseur d’un mur construit il y avait trois cents ans ; ce fait est d’autant plus difficile à croire qu’un enduit de mortier ne serait pas suffisant pour conserver un œuf, et que les murs les plus épais étant sujets à l’évaporation dans tous les points de leur épaisseur, puisque les mortiers de l’intérieur se sèchent à la longue, ils ne peuvent empêcher la transpiration des œufs cachés dans leur épaisseur, ni par conséquent les conserver.
  4. Pratique de l’Art de faire éclore les poulets, p. 138.