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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/338

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pupitre offre des hauteurs différentes pour les poulets de différentes tailles ; mais comme ils ont coutume, surtout lorsqu’ils ont froid, de se presser et même de s’entasser en montant les uns sur les autres, et que dans cette foule les petits et les faibles courent risque d’être étouffés, on tient cette boîte ou mère artificielle ouverte par les deux bouts, ou plutôt on ne la ferme aux deux bouts que par un rideau que le plus petit poulet puisse soulever facilement, afin qu’il ait toujours la facilité de sortir lorsqu’il se sent trop pressé ; après quoi il peut, en faisant le tour, revenir par l’autre bout et choisir une place moins dangereuse. M. de Réaumur tâche encore de prévenir ce même inconvénient par une autre précaution, c’est de tenir le couvercle de la mère artificielle incliné assez bas pour que les poulets ne puissent pas monter les uns sur les autres ; et à mesure que les poulets croissent, il élève le couvercle, en ajoutant sur le côté de la boîte des hausses proportionnées. Il renchérit encore sur tout cela en divisant ses plus grandes poussinières en deux par une cloison transversale, afin de pouvoir séparer les poulets de différentes grandeurs ; il les fait mettre aussi sur des roulettes pour la facilité du transport, car il faut absolument les rentrer dans la chambre toutes les nuits, et même pendant le jour lorsque le temps est rude ; et il faut que cette chambre soit échauffée en temps d’hiver : mais, au reste, il est bon, dans les temps qui ne sont ni froids ni pluvieux, d’exposer les poussinières au grand air et au soleil, avec la seule précaution de les garantir du vent ; on peut même en tenir les portes ouvertes, les poulets apprendront bientôt à sortir pour aller gratter le fumier ou becqueter l’herbe tendre, et à rentrer pour prendre leur repas ou s’échauffer sous la mère artificielle. Si l’on ne veut pas courir le risque de les laisser ainsi vaguer en liberté, on ajoute au bout de la poussinière une cage à poulets ordinaire qui, communiquant avec la première, leur fournira un plus grand espace pour s’ébattre et une promenade close où ils seront en sûreté.

Mais plus on les tient en captivité, plus il faut être exact à leur fournir une nourriture qui leur convienne : outre le millet, les jaunes d’œufs, la soupe et la mie de pain, les jeunes poulets aiment aussi la navette, le chènevis et autres menus grains de ce genre, les pois, les fèves, les lentilles, le riz, l’orge et l’avoine mondés, le turquis écrasé et le blé noir. Il convient, et c’est même une économie, de faire crever dans l’eau bouillante la plupart de ces graines avant de les leur donner ; cette économie va à un cinquième sur le froment, à deux cinquièmes sur l’orge, à une moitié sur le turquis, à rien sur l’avoine et le blé noir ; il y aurait de la perte à faire crever le seigle, mais c’est de toutes ces graines celle que les poulets aiment le moins. Enfin on peut leur donner, à mesure qu’ils deviennent grands, de tout ce que nous mangeons nous-mêmes, excepté les amandes amères[1]

  1. Voyez Éphémérides des Curieux de la nature, déc. i, ann. 8, observ. 99.