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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/339

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et les grains de café[1] ; toute viande hachée, cuite ou crue, leur est bonne, surtout les vers de terre ; c’est le mets dont ces oiseaux, qu’on croit si peu carnassiers, paraissent être le plus friands, et peut-être ne leur manque-t-il, comme à bien d’autres, qu’un bec crochu et des serres pour être de véritables oiseaux de proie.

Cependant il faut avouer qu’ils ne diffèrent pas moins des oiseaux de proie par la façon de digérer et par la structure de l’estomac que par le bec et par les ongles : l’estomac de ceux-ci est membraneux, et leur digestion s’opère par le moyen d’un dissolvant qui varie dans les différentes espèces, mais dont l’action est bien constatée[2] ; au lieu que les gallinacés peuvent être regardés comme ayant trois estomacs, savoir : 1o le jabot, qui est une espèce de poche membraneuse, où les grains sont d’abord macérés et commencent à se ramollir ; 2o la partie la plus évasée du canal intermédiaire entre le jabot et le gésier, et la plus voisine de celui-ci ; elle est tapissée d’une quantité de petites glandes qui fournissent un suc dont les aliments peuvent aussi se pénétrer à leur passage ; 3o enfin, le gésier qui fournit un suc manifestement acide, puisque de l’eau, dans laquelle on a broyé sa membrane interne, devient une bonne présure pour faire cailler les crèmes ; c’est ce troisième estomac qui achève, par l’action puissante de ses muscles, la digestion qui n’avait été que préparée dans les deux premiers. La force de ses muscles est plus grande qu’on ne le croirait ; en moins de quatre heures elle réduit en poudre impalpable une boule d’un verre assez épais pour porter un poids d’environ quatre livres ; en quarante-huit heures elle divise longitudinalement, en deux espèces de gouttières, plusieurs tubes de verre de quatre lignes de diamètre et d’une ligne d’épaisseur, dont, au bout de ce temps, toutes les parties aiguës et tranchantes se trouvent émoussées et le poli détruit, surtout celui de la partie convexe ; elle est aussi capable d’aplatir des tubes de fer-blanc, et de broyer jusqu’à dix-sept noisettes dans l’espace de vingt-quatre heures, et cela par des compressions multipliées, par une alternative de frottement dont il est difficile de voir la mécanique. M. de Réaumur ayant fait nombre de tentatives pour la découvrir, n’a aperçu qu’une seule fois des mouvements un peu sensibles dans cette partie ; il vit dans un chapon, dont il avait mis le gésier à découvert, des portions de ce viscère se contracter, s’aplatir et se relever ensuite ; il observa des espèces de cordons charnus qui se formaient à sa surface, ou plutôt qui paraissaient s’y former, parce qu’il se faisait entre deux des enfoncements qui les séparaient, et

  1. Deux poulets ayant été nourris, l’un avec du café des îles rôti, l’autre avec le même café non rôti, devinrent tous deux étiques et moururent, l’un le huitième jour et l’autre le dixième, après avoir consommé chacun trois onces de café ; les pieds et les jambes étaient fort enflés, et la vésicule du fiel se trouva aussi grosse que celle d’une poule d’Inde. Mémoires de l’Académie royale des Sciences, ann. 1746, p. 101.
  2. Voyez Mém. de l’Acad. royale des Sciences, ann. 1752, p. 266.