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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/359

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objet étranger se présente inopinément, surtout dans la saison des amours, cet oiseau, qui n’a rien dans son port ordinaire que d’humble et de simple, se rengorge tout à coup avec fierté ; sa tête et son cou se gonflent, la caroncule conique se déploie, s’allonge et descend deux ou trois pouces plus bas que le bec, qu’elle recouvre entièrement ; toutes ces parties charnues se colorent d’un rouge plus vif ; en même temps les plumes du cou et du dos se hérissent, et la queue se relève en éventail tandis que les ailes s’abaissent en se déployant jusqu’à traîner par terre. Dans cette attitude, tantôt il va piaffant autour de sa femelle, accompagnant son action d’un bruit sourd que produit l’air de la poitrine s’échappant par le bec, et qui est suivi d’un long bourdonnement ; tantôt il quitte sa femelle comme pour menacer ceux qui viennent le troubler ; dans ces deux cas sa démarche est grave, et s’accélère seulement dans le moment où il fait entendre ce bruit sourd dont j’ai parlé : de temps en temps il interrompt cette manœuvre pour jeter un autre cri plus perçant, que tout le monde connaît, et qu’on peut lui faire répéter tant que l’on veut, soit en sifflant, soit en lui faisant entendre des sons aigus quelconques ; il recommence ensuite à faire la roue qui, suivant qu’elle s’adresse à sa femelle ou aux objets qui lui font ombrage, exprime tantôt son amour et tantôt sa colère ; et ces espèces d’accès seront beaucoup plus violents si on paraît devant lui avec un habit rouge ; c’est alors qu’il s’irrite et devient furieux ; il s’élance, il attaque à coups de bec, et fait tous ses efforts pour éloigner un objet dont la présence semble lui être insupportable.

Il est remarquable et très singulier que cette caroncule conique, qui s’allonge et se relâche lorsque l’animal est agité d’une passion vive, se relâche de même après sa mort.

Il y a des dindons blancs, d’autres variés de noir et de blanc, d’autres de blanc et d’un jaune roussâtre, et d’autres d’un gris uniforme, qui sont les plus rares de tous ; mais le plus grand nombre a le plumage tirant sur le noir, avec un peu de blanc à l’extrémité des plumes : celles qui couvrent le dos et le dessus des ailes sont carrées par le bout ; et parmi celles du croupion, et même de la poitrine, il y en a quelques-unes de couleurs changeantes, et qui ont différents reflets, selon les différentes incidences de la lumière ; et plus ils vieillissent, plus leurs couleurs paraissent être changeantes et avoir des reflets différents. Bien des gens croient que les dindons blancs sont les plus robustes ; et c’est par cette raison que dans quelques provinces on les élève de préférence : on en voit de nombreux troupeaux dans le Perthois en Champagne.

Les naturalistes ont compté vingt-huit pennes ou grandes plumes à chaque aile, et dix-huit à la queue. Mais un caractère bien plus frappant, et qui empêchera à jamais de confondre cette espèce avec une autre espèce actuellement connue, c’est un bouquet de crins durs et noirs, long de cinq à six pouces, lequel, dans nos climats tempérés, sort de la partie