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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/386

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en a dans les îles Canaries, ni dans celle de Madère. Le Gentil rapporte qu’il a vu à Java des poules peintades[1], mais on ignore si elles étaient domestiques ou sauvages : je croirais plus volontiers qu’elles étaient domestiques et qu’elles avaient été transportées d’Afrique en Asie, de même qu’on en a transporté en Amérique et en Europe ; mais comme ces oiseaux étaient accoutumés à un climat très chaud, ils n’ont pu s’habituer dans les pays glacés qui bordent la mer Baltique : aussi n’en est-il pas question dans la Fauna suecica de M. Linnæus. M. Klein paraît n’en parler que sur le rapport d’autrui, et nous voyons même qu’au commencement du siècle ils étaient encore fort rares en Angleterre[2].

Varron nous apprend que de son temps les poules africaines (c’est ainsi qu’il appelle les peintades), se vendaient fort cher à Rome à cause de leur rareté[3] ; elles étaient beaucoup plus communes en Grèce du temps de Pausanias, puisque cet auteur dit positivement que la méléagride était, avec l’oie commune, l’offrande ordinaire des personnes peu aisées dans les mystères solennels d’Isis[4] : malgré cela, on ne doit point se persuader que les peintades fussent naturelles à la Grèce, puisque, selon Athénée, les Étoliens passaient pour être les premiers des Grecs qui eussent eu de ces oiseaux dans leur pays. D’un autre côté, j’aperçois quelque trace de migration régulière dans les combats que ces oiseaux venaient se livrer tous les ans, en Béotie, sur le tombeau de Méléagre[5], et qui ne sont pas moins cites par les naturalistes que par les mythologistes : c’est de là que leur est venu le nom de méléagrides[6], comme celui de peintades leur a été donné, moins à cause de la beauté que de l’agréable distribution des couleurs dont leur plumage est peint.


  1. Nouveau voyage autour du monde, t. III, p. 74.
  2. Voyez Glanures d’Edwards, troisième partie, p. 269.
  3. De re rustica, lib. iii, cap. ix.
  4. Vid. Gesnerum, de Avibus, p. 479 : « quorum tenuior est res familiaris in celebribus Isidis conventibus, anseres atque aves meleagrides immolant. »
  5. « Simili modo (nempe ut memnonides aves), pugnant meleagrides in Bæotia. » Plin., Hist. nat., lib. x, cap. xxvi.
  6. La fable dit que les sœurs de Méléagre, désespérées de la mort de leur frère, furent changées en ces oiseaux qui portent encore leurs larmes semées sur leur plumage.