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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/404

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l’avoine, du seigle, du blé sarrasin, où on couvre la hutte de paille, et on fait d’assez bonnes chasses, pourvu toutefois que le temps soit au beau ; car le mauvais temps disperse ces oiseaux, les oblige à se cacher, et en rend la chasse impossible ; mais le premier beau jour qui succède la rend d’autant plus facile, et un tireur bien posté les rassemble aisément avec ses seuls appeaux, et sans qu’il soit besoin de chasseurs pour les pousser du côté de la hutte.

On prétend que lorsque ces oiseaux volent en troupe ils ont à leur tête un vieux coq qui les mène en chef expérimenté, et qui leur fait éviter tous les pièges des chasseurs, en sorte qu’il est fort difficile, dans ce cas, de les pousser vers la balvane, et que l’on n’a d’autres ressources que de détourner quelques traîneurs.

L’heure de cette chasse est, chaque jour, depuis le soleil levant jusqu’à dix heures ; et, l’après-midi, depuis une heure jusqu’à quatre : mais en automne, lorsque le temps est calme et couvert, la chasse dure toute la journée sans interruption, parce que dans ce cas les tétras ne changent guère de lieu. On peut les chasser de cette manière, c’est-à-dire en les poussant d’arbre en arbre, jusqu’aux environs du solstice d’hiver, mais après ce temps ils deviennent plus sauvages, plus défiants, plus rusés ; ils changent même leur demeure accoutumée, à moins qu’ils n’y soient retenus par la rigueur du froid ou par l’abondance des neiges.

On prétend avoir remarqué que, lorsque les tétras se posent sur la cime des arbres et sur leurs nouvelles pousses, c’est signe du beau temps ; mais que lorsqu’on les voit se rabattre sur les branches inférieures et s’y tapir, c’est un signe de mauvais temps ; je ne ferais pas mention de ces remarques des chasseurs, si elles ne s’accordaient avec le naturel de ces oiseaux, qui, selon ce que nous avons vu ci-dessus, paraissent fort susceptibles des influences du beau et du mauvais temps, et dont la grande sensibilité à cet égard pourrait être supposée, sans blesser la vraisemblance, au degré nécessaire pour leur faire pressentir la température du lendemain.

Dans les temps de grande pluie, ils se retirent dans les forêts les plus touffues pour y chercher un abri ; et, comme ils sont fort pesants et qu’ils volent difficilement, on peut les chasser avec des chiens courants, qui les forcent souvent et les prennent même à la course[1].

Dans d’autres pays on prend les tétras au lacet, selon Aldrovande[2] ; on les prend aussi au filet, comme nous l’avons vu ci-dessus ; mais il serait curieux de savoir quelle était la forme, l’étendue et la disposition de ce filet sous lequel le noble Polonais dont parle Rzaczynski en prit un jour deux cent soixante à la fois.


  1. Actes de Breslaw, novembre 1725, p. 527 et suivantes, et p. 538 et suivantes. Cette pesanteur des tétras a été remarquée par Pline : il est vrai qu’il paraît l’attribuer à la grande espèce, et je ne doute pas qu’elle ne lui convienne aussi bien qu’à la petite.
  2. Aldrov., de Avibus, t. II, p. 69.