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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/420

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cend rarement dans les plaines et même sur le penchant des coteaux[1], et qu’il ne se plaît que sur les sommets les plus élevés ; on le trouve sur les Pyrénées, les Alpes, les montagnes d’Auvergne, de Dauphiné, de Suisse, du pays de Foix, d’Espagne, d’Angleterre, de Sicile, du pays de Vicence, dans la Laponie[2] ; enfin sur l’Olympe, en Phrygie, où les Grecs modernes l’appellent en langue vulgaire taginari[3], mot évidemment formé de ταγρυάριος que l’on trouve dans Suidas, et qui vient lui-même de attagen ou attagas, lequel est le nom primitif.

Quoique cet oiseau soit d’un naturel très sauvage, on a trouvé dans l’île de Chypre, comme autrefois à Rome, le secret de le nourrir dans des volières[4], si toutefois l’oiseau dont parle Alexander Benedictus est notre attagas : ce qui m’en ferait douter, c’est que le francolin représenté planche ccxlvi d’Edwards, et qui venait certainement de l’île de Chypre, a beaucoup moins de rapport au nôtre qu’à celui d’Olina, et que nous savons d’ailleurs que celui-ci pouvait s’élever et se nourrir dans les volières[5].

Ces attagas domestiques peuvent être plus gros que les sauvages ; mais ceux-ci sont toujours préférés pour le bon goût de leur chair ; on les met au-dessus de la perdrix ; à Rome, un francolino s’appelle par excellence un morceau de cardinal[6] : au reste, c’est une viande qui se corrompt très promptement et qu’il est difficile d’envoyer au loin ; aussi les chasseurs ne manquent-ils pas, dès qu’ils les ont tués, de les vider et de leur remplir le ventre de bruyère verte[7]. Pline dit la même chose du lagopus[8], et il faut avouer que tous ces oiseaux ont beaucoup de rapports les uns avec les autres.

Les attagas se recherchent et s’accouplent au printemps : la femelle pond sur la terre comme tous les oiseaux pesants ; sa ponte est de huit ou dix œufs, aigus par l’un des bouts, longs de dix-huit ou vingt lignes, pointillés de rouge brun, excepté en une ou deux places aux environs du petit bout. Le temps de l’incubation est d’une vingtaine de jours ; la couvée reste attachée à la mère et la suit tout l’été ; l’hiver, les petits, ayant pris la plus grande partie de leur accroissement, se forment en troupes de quarante ou cinquante et deviennent singulièrement sauvages : tant qu’ils sont jeunes, ils sont fort sujets à avoir les intestins farcis de vers ou lombrics ; quelquefois on les voit voltiger ayant de ces sortes de vers qui leur pendent de l’anus de la longueur d’un pied[9].

  1. Willughby, Ornithologia, p. 128.
  2. Voyez Klein, Hist. avium, p. 173.
  3. Belon, Nature des oiseaux, p. 242.
  4. Gesner, de Naturâ Avium, p. 227.
  5. Olina, Uccellaria, p. 33.
  6. Gesner, p. 228.
  7. Willughby, p. 128.
  8. Pline, lib. x, cap. xlviii.
  9. Willughby, à l’endroit cité ; et Britisch Zoology, p. 86. Mais ne serait-ce pas la verge de ces oiseaux qu’on aurait prise pour un ver, comme j’ai vu des poulets s’y méprendre à l’égard de la verge des canards ?