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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/425

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vingt-quatre pennes, dont la troisième, à compter de la plus extérieure, est la plus longue ; et ces trois pennes, ainsi que les trois suivantes de chaque côté, ont la tige noire lors même qu’elles sont blanches ; le duvet qui environne les pieds et les doigts jusqu’aux ongles est fort doux et fort épais, et l’on n’a pas manqué de dire que c’étaient des espèces de gants fourrés que la nature avait accordés à ces oiseaux pour les garantir des grands froids auxquels ils sont exposés ; leurs ongles sont fort longs, même celui du petit doigt de derrière ; celui du doigt du milieu est creusé par-dessous, selon sa longueur, et les bords en sont tranchants, ce qui lui donne de la facilité pour se creuser des trous dans la neige.

Le lagopède est au moins de la grosseur d’un pigeon privé, selon Willughby ; il a quatorze à quinze pouces de long, vingt et un à vingt-deux pouces de vol, et pèse quatorze onces ; le nôtre est un peu moins gros ; mais M. Linnæus a remarqué qu’il y en avait de différentes grandeurs, et que le plus petit de tous était celui des Alpes[1]. Il est vrai qu’il ajoute au même endroit que cet oiseau se trouve dans les forêts des provinces du nord, et surtout de la Laponie, ce qui me ferait douter que ce fût la même espèce que notre lagopède des Alpes, qui a des habitudes toutes différentes, puisqu’il ne se plaît que sur les plus hautes montagnes : à moins qu’on ne veuille dire que la température qui règne sur la cime de nos Alpes est à peu près la même que celle des vallées et des forêts de Laponie. Mais ce qui achève de me persuader qu’il y a ici confusion d’espèces, c’est le peu d’accord des écrivains sur le cri du lagopède. Belon dit qu’il chante comme la perdrix[2] ; Gesner, que sa voix a quelque chose de celle du cerf[3] ; Linnæus compare son ramage à un caquet babillard et à un rire moqueur. Enfin, Willughby parle des plumes des pieds comme d’un duvet doux (plumulis mollibus), et Frisch les compare à des soies de cochon[4]. Or, comment rapporter à la même espèce des oiseaux qui diffèrent par la grandeur, par les habitudes nouvelles, par la voix, par la qualité de leurs plumes ? je pourrais encore ajouter par leurs couleurs, car nous avons vu que celle des pennes de la queue n’est rien moins que constante ; mais ici les couleurs du plumage sont si variables dans le même individu, qu’il ne

    la contradiction des auteurs, et de reconnaître évidemment que la queue n’est composée que de quatorze plumes toutes noires, à l’exception de la plus extérieure qui est bordée de blanc près de son origine, et de la pointe qui est blanche dans toutes, parce que les tuyaux de ces quatorze plumes noires sont plus gros, du double, que les tuyaux des quatorze plumes blanches, et que ceux-ci sont moins avancés, ne recouvrant pas même en entier les tuyaux des plumes noires ; en sorte qu’on peut croire que ces plumes blanches ne servent que de couvertures, quoique les quatre du milieu soient aussi grandes que les noires, lesquelles sont à très peu près toutes également longues.

  1. Linnæus, Fauna suecica, p. 169.
  2. Belon, Nature des oiseaux, p. 239.
  3. Gesner, p. 578.
  4. Frisch, Nature des oiseaux, planche cx.