Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/436

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

abondance que dans les Indes. Mandeslo[1] et Thévenot[2] en ont trouvé en grand nombre dans la province de Guzarate ; Tavernier dans toutes les Indes, mais particulièrement dans les territoires de Baroche, de Cambaya et de Broudra[3] ; François Pyrard aux environs de Calicut[4] ; les Hollandais sur toute la côte de Malabar[5] ; Lintscot dans l’île de Ceylan[6] ; l’auteur du second Voyage de Siam, dans les forêts sur les frontières de ce royaume, du côté de Cambodge[7], et aux environs de la rivière de Meinam[8] ; Le Gentil à Java, Gemelli Careri dans les îles Calamianes[9], situées entre les Philippines et Bornéo. Si on ajoute à cela que dans presque toutes ces contrées les paons vivent dans l’état de sauvages, qu’ils ne sont nulle part ni si grands[10] ni si féconds[11], on ne pourra s’empêcher de regarder les Indes comme leur climat naturel[12] ; et, en effet, un si bel oiseau ne pouvait guère manquer d’appartenir à ce pays si riche, si abondant en choses précieuses, où se trouvent la beauté, la richesse en tout genre, l’or, les perles, les pierreries, et qui doit être regardé comme le climat du luxe de la nature. Cette opinion est confirmée en quelque sorte par le texte sacré ; car nous voyons que les paons sont comptés parmi les choses précieuses que la flotte de Salomon rapportait tous les trois ans ; et il est clair que c’est ou des Indes ou de la côte d’Afrique la plus voisine des Indes, que cette flotte, formée et équipée sur la mer Rouge[13], et qui ne pouvait s’éloigner des côtes, tirait ses richesses : or, il y a de fortes raisons de croire que ce n’était point des côtes d’Afrique, car jamais voyageur n’a dit avoir aperçu dans toute l’Afrique, ni même dans les îles adjacentes, des paons sauvages qui pussent être regardés comme propres et naturels à ces pays, si ce n’est dans l’île de Sainte-Hélène, où l’amiral Verhowen trouva des paons qu’on ne pouvait prendre qu’en les tuant à coups de fusil[14] ; mais on ne se persuadera pas apparemment que la flotte de Salomon, qui n’avait point de boussole, se

  1. Mandeslo, Voyage des Indes, t. II, liv. i, p. 147.
  2. Thévenot, Voyage au Levant, t. III, p. 18.
  3. Voyages de Tavernier, t. III, liv. i, p. 57 et 58.
  4. Voyages de François Pyrard, t. Ier, p. 426.
  5. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la Compagnie des Indes, t. IV, p. 16.
  6. J. Hugonis Lintscot, Navigatio in Orientem, p. 39.
  7. Second voyage de Siam, p. 75.
  8. Idem, p. 248.
  9. Gemelli Careri, Voyage autour du monde, t. V, p. 270.
  10. « Sunt et pavones in Indiâ maximi omnium. » Ælian, de Naturâ animal., lib. xvi, cap. ii.
  11. Petrus Martyr, de Rebus Oceani, dit que les paons pondent aux Indes de vingt à trente œufs.
  12. Voyez Seconde relation des Hollandais, p. 370.
  13. Voyez le troisième livre des Rois, chap. ix, v. 26.
  14. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la Compagnie des Indes, t. IV, p. 161.