Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/494

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

liarise aisément avec l’homme ; cependant on n’en a jamais formé de troupeaux qui sussent se laisser conduire comme font les perdrix rouges ; car Olina nous avertit que c’est de cette dernière espèce qu’on doit entendre ce que les voyageurs nous disent en général de ces nombreux troupeaux de perdrix qu’on élève dans quelques îles de la Méditerranée[1]. Les perdrix grises ont aussi l’instinct plus social entre elles, car chaque famille vit toujours réunie en une seule bande, qu’on appelle volée ou compagnie, jusqu’au temps où l’amour, qui l’avait formée, la divise pour en unir les membres plus étroitement deux à deux : celles même, dont par quelque accident les pontes n’ont point réussi, se rejoignant ensemble et aux débris des compagnies qui ont le plus souffert, forment sur la fin de l’été de nouvelles compagnies souvent plus nombreuses que les premières et qui subsistent jusqu’à la pariade de l’année suivante.

Ces oiseaux se plaisent dans les pays à blé et surtout dans ceux où les terres sont bien cultivées et marnées, sans doute parce qu’ils y trouvent une nourriture plus abondante soit en grains, soit en insectes, ou peut-être aussi parce que les sels de la marne, qui contribuent si fort à la fécondité du sol, sont analogues à leur tempérament ou à leur goût ; les perdrix grises aiment la pleine campagne et ne se réfugient dans les taillis et les vignes que lorsqu’elles sont poursuivies par le chasseur ou par l’oiseau de proie ; mais jamais elles ne s’enfoncent dans les forêts, et l’on dit même assez communément qu’elles ne passent jamais la nuit dans les buissons ni dans les vignes : cependant on a trouvé un nid de perdrix dans un buisson, au pied d’une vigne[NdÉ 1]. Elles commencent à s’apparier dès la fin de l’hiver, après les grandes gelées, c’est-à-dire que chaque mâle cherche alors à s’assortir avec une femelle ; mais ce nouvel arrangement ne se fait pas sans qu’il y ait entre les mâles, et quelquefois entre les femelles, des combats fort vifs. Faire la guerre et l’amour ne sont presque qu’une même chose pour la plupart des animaux, et surtout pour ceux en qui l’amour est un besoin aussi pressant qu’il l’est pour la perdrix : aussi les femelles de cette espèce pondent-elles sans avoir eu de commerce avec le mâle, comme les poules ordinaires. Lorsque les perdrix sont une fois appariées, elles ne se quittent plus et vivent dans une union et une fidélité à toute épreuve. Quelquefois, lorsque

  1. Olina, p. 57.
  1. La Perdrix grise vit dans les champs cultivés, mais elle a besoin de buissons pour se cacher, et on la trouve surtout dans les localités où les champs sont coupés de haies, de buissons, de petits bois. La même famille reste très fidèle à la localité dans laquelle elle s’est établie. Certaines perdrix grises paraissent être voyageuses. Dans le nord de l’Allemagne il arrive chaque année, à l’automne, de grandes bandes de perdrix grises que certains ornithologistes tendent à considérer comme formant une espèce distincte de la nôtre. Cette dernière, en effet, est sédentaire. Brehm pense que les perdrix grises migratrices « sont des Starnes de marais, et il faudrait considérer le moindre nombre de leurs rectrices comme un caractère essentiel et non comme un fait accidentel. »