Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/509

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moins sauvages[1] : pendant l’hiver, elles se recèlent sous des abris de rochers bien exposés et se répandent peu ; le reste de l’année elles se tiennent dans les broussailles, s’y font chercher longtemps par les chasseurs, et partent difficilement. On m’assure qu’elles résistent souvent mieux que les grises aux rigueurs de l’hiver, et que, bien qu’elles soient plus aisées à prendre dans les différents pièges que les grises, il s’en trouve toujours à peu près le même nombre au printemps dans les endroits qui leur conviennent ; elles vivent de grain, d’herbes, de limaces, de chenilles, d’œufs de fourmis et d’autres insectes ; mais leur chair se sent quelquefois des aliments dont elles vivent. Élien rapporte que les perdrix de Cyrrha, ville maritime de la Phocide, sur le golfe de Corinthe, sont de mauvais goût parce qu’elles se nourrissent d’ail[2].

Elles volent pesamment et avec effort, comme font les grises, et on peut les reconnaître de même, sans les voir, au seul bruit qu’elles font avec leurs ailes en prenant leur volée. Leur instinct est de plonger dans les précipices lorsqu’on les surprend sur les montagnes, et de regagner le sommet lorsqu’on va à la remise : dans les plaines elles filent droit et avec raideur ; lorsqu’elles sont suivies de près et poussées vivement, elles se réfugient dans les bois, se perchent même sur les arbres, et se terrent quelquefois, ce que ne font point les perdrix grises.

Les perdrix rouges diffèrent encore des grises par le naturel et les mœurs, elles sont moins sociables : à la vérité, elles vont par compagnies, mais il ne règne pas dans ces compagnies une union aussi parfaite ; quoique nées, quoique élevées ensemble, les perdrix rouges se tiennent plus éloignées les unes des autres ; elles ne partent point ensemble, ne vont pas toutes du même côté, et ne se rappellent pas ensuite avec le même empressement, si ce n’est au temps de l’amour, et alors même chaque paire se réunit séparément[NdÉ 1] ; enfin, lorsque cette saison est passée et que la femelle est occupée à couver, le mâle la quitte et la laisse seule chargée du soin de la famille, en quoi nos perdrix rouges paraissent aussi différer des perdrix rouges de l’Égypte, puisque les prêtres égyptiens avaient choisi pour l’emblème d’un

  1. Stumpfius apud Gesner, de Avibus, p. 682.
  2. Élien, de Naturâ avium, lib. iv, cap. xiii.
  1. Pendant la majeure partie de l’année, les perdrix rouges vivent en troupes composées de dix à vingt individus et formées par l’union de plusieurs familles ; mais, à l’époque des amours, la société se dissout. En Espagne, dès le mois de février, le jour de la fête de saint Antoine, disent les bonnes gens du pays, les sociétés de perdrix rouges se dispersent par couples, d’où le proverbe espagnol :

    Al día de san Antón
    Cada perdiz con su perdigón.

    Les mâles ne sont, du reste, que fort peu fidèles à la première femelle qu’ils ont choisie. Dès que celle-ci commence à couver, le mâle l’abandonne et court à la recherche de nouvelles amours.