Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/513

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais encore parce qu’il a un éperon à chaque jambe[1], tandis que la perdrix mâle n’a qu’un tubercule calleux au lieu d’éperon.

Le francolin est aussi beaucoup moins répandu que la perdrix : il paraît qu’il ne peut guère subsister que dans les pays chauds ; l’Espagne, l’Italie et la Sicile sont presque les seuls pays de l’Europe où il se trouve ; on en voit aussi à Rhodes[2], dans l’île de Chypre[3], à Samos[4], dans la Barbarie, et surtout aux environs de Tunis[5], en Égypte, sur les côtes d’Asie[6] et au Bengale[7]. Dans tous ces pays, on trouve des francolins et des perdrix qui ont chacun leurs noms distincts et leur espèce séparée.

La rareté de ces oiseaux en Europe, jointe au bon goût de leur chair, ont donné lieu aux défenses rigoureuses qui ont été faites en plusieurs pays de les tuer ; et de là on prétend qu’ils ont eu le nom de francolin, comme jouissant d’une sorte de franchise sous la sauvegarde de ces défenses.

On sait peu de chose de cet oiseau : son plumage est fort beau ; il a un collier très remarquable de couleur orangée ; sa grosseur surpasse un peu celle de la perdrix grise ; la femelle est un peu plus petite que le mâle, et les couleurs de son plumage sont plus faibles et moins variées.

Ces oiseaux vivent de grains : on peut les élever dans des volières ; mais il faut avoir l’attention de leur donner à chacun une petite loge où ils puissent se tapir et se cacher, et de répandre dans la volière du sable et quelques pierres de tuf.

Leur cri est moins un chant qu’un sifflement très fort qui se fait entendre de fort loin[8].

Les francolins vivent à peu près autant que les perdrix[9] ; leur chair est exquise, et elle est quelquefois préférée à celle des perdrix et des faisans.

M. Linnæus[10] prend la perdrix de Damas de Willughby pour le francolin[11] : sur quoi il y a deux remarques à faire ; la première, que cette perdrix de Damas est plutôt celle de Belon, qui en a parlé le premier[12], que

  1. Celui d’Olina n’en a point ; mais il y a apparence qu’il a fait dessiner la femelle.
  2. Olina.
  3. Tournefort.
  4. Edwards… M. Edwards dit qu’il n’est pas question du francolin dans le texte du Voyage au Levant de M. de Tournefort, quoiqu’il y ait une figure de cet oiseau sous le nom de francolin, sorte d’oiseau qui fréquente les marais. Cette assertion est fautive ; voici ce que je trouve, t. Ier de ce voyage, p. 412, édition du Louvre : « Les francolins n’y sont pas communs (dans l’île de Samos), et ne quittent pas la marine, entre le petit Boghas et Cora, auprès d’un étang marécageux… ; on les appelle perdrix des prairies. » La figure de l’oiseau porte simplement en tête le nom de francolin.
  5. Olina, p. 33.
  6. Tournefort, Voyage au Levant, t. II, p. 103.
  7. Edwards.
  8. Olina.
  9. Ibidem.
  10. Linnæus, Syst. nat., édit. X, p. 161.
  11. Willughby, Ornithologie, p. 128.
  12. Belon, Observ., p. 152.