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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/521

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était tournée au nord, sans que les hivers les plus rigoureux aient paru les incommoder, ni même apporter le moindre changement à leur manière de vivre ; et, d’un autre côté, il semble qu’une des choses qui les fixent dans un pays c’est l’abondance de l’herbe, puisque, selon la remarque des chasseurs, lorsque le printemps est sec et que, par conséquent, l’herbe est moins abondante, il y a aussi beaucoup moins de cailles le reste de l’année : d’ailleurs, le besoin actuel de nourriture est une cause plus déterminante, plus analogue à l’instinct borné de ces petits animaux, et suppose en eux moins de cette prévoyance que les philosophes accordent trop libéralement aux bêtes. Lorsqu’ils ne trouvent point de nourriture dans un pays, il est tout simple qu’ils en aillent chercher dans un autre : ce besoin essentiel les avertit, les presse, met en action toutes leurs facultés ; ils quittent une terre qui ne produit plus rien pour eux, ils s’élèvent dans l’air, vont à la découverte d’une contrée moins dénuée, s’arrêtent où ils trouvent à vivre : et l’habitude se joignant à l’instinct qu’ont tous les animaux, et surtout les animaux ailés, d’éventer de loin leur nourriture, il n’est pas surprenant qu’il en résulte une affection pour ainsi dire innée, et que les mêmes cailles reviennent tous les ans dans les mêmes endroits ; au lieu qu’il serait dur de supposer, avec Aristote[1], que c’est d’après une connaissance réfléchie des saisons qu’elles changent deux fois par an de climat pour trouver toujours la température qui leur convient, comme faisaient autrefois les rois de Perse ; encore plus dur de supposer avec Catesby[2], Belon[3] et quelques autres, que lorsqu’elles changent de climat elles passent sans s’arrêter dans les lieux qui pourraient leur convenir en deçà de la ligne, pour aller chercher aux antipodes précisément le même degré de latitude auquel elles étaient accoutumées de l’autre côté de l’équateur, ce qui supposerait des connaissances, ou plutôt des erreurs scientifiques auxquelles l’instinct brut est beaucoup moins sujet que la raison cultivée[NdÉ 1].

Quoi qu’il en soit, lorsque les cailles sont libres, elles ont un temps pour arriver et un temps pour repartir : elles quittaient la Grèce, suivant Aristote, au mois boedromion[4], lequel comprenait la fin d’août et le commencement de septembre. En Silésie, elles arrivent au mois de mai et s’en vont sur la fin d’août[5] ; nos chasseurs disent qu’elles arrivent dans notre pays vers le 10 ou le 12 de mai ; Aloysius Mundella dit qu’on les voit paraître dans

  1. Aristote, lib. viii, cap. xii.
  2. Voyez Catesby, Transactions philosophiques, no 486, art. vi, p. 161.
  3. Belon, Nature des oiseaux, p. 265.
  4. Voyez Aristote, Historia animalium, lib. viii, cap. xii.
  5. Voyez Schwenckfeld, Aviarium Silesiæ, p. 249.
  1. Quoi qu’en ait dit Flourens, dans son édition des œuvres de Buffon, cette page et les suivantes sont d’une exactitude complète, ce qui est fort remarquable pour l’époque à laquelle vivait le grand naturaliste.