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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/526

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que, la première arrivante devant être la proie de l’oiseau carnassier, elles tâchaient de détourner ce malheur sur une tête étrangère[1].

Au reste, quoiqu’il soit vrai en général que les cailles changent de climat, il en reste toujours quelques-unes qui n’ont pas la force de suivre les autres, soit qu’elles aient été blessées à l’aile, soit qu’elles soient surchargées de graisse, soit que, provenant d’une seconde ponte, elles soient trop jeunes et trop faibles au temps du départ ; et ces cailles traîneuses tâchent de s’établir dans les meilleures expositions du pays où elles sont contraintes de rester[2]. Le nombre en est fort petit dans nos provinces ; mais les auteurs de la Zoologie britannique assurent qu’une partie seulement de celles qu’on voit en Angleterre quitte entièrement l’île, et que l’autre partie se contente de changer de quartier, passant, vers le mois d’octobre, de l’intérieur des terres dans les provinces maritimes, et principalement dans celle d’Essex, où elles restent tout l’hiver : lorsque la gelée ou la neige les obligent de quitter les jachères et les terres cultivées, elles gagnent les côtes de la mer, où elles se tiennent parmi les plantes maritimes, cherchant les meilleurs abris, et vivant de ce qu’elles peuvent attraper sur les algues, entre les limites de la haute et basse mer. Ces mêmes auteurs ajoutent que leur première apparition dans le comté d’Essex se rencontre exactement chaque année avec leur disparition du milieu des terres[3]. On dit aussi qu’il en reste un assez bon nombre en Espagne et dans le sud de l’Italie, où l’hiver n’est presque jamais assez rude pour faire périr ou disparaître entièrement les insectes ou les graines qui leur servent de nourriture[NdÉ 1].

  1. « Primam earum terræ appropinquantem accipiter rapit. » Pline, Hist. nat., lib. x, cap. xxiii. — « Ac propterea opera est universis ut sollicitent avem generis externi per quem frustrentur prima discrimina. » Solinus, cap. xviii.
  2. « Coturnices quoque discedunt, nisi paucæ in locis apricis remanserint. » Aristot., Hist. animal., lib. viii, cap. xii.
  3. Voyez British Zoology, p. 87.
  1. Pour compléter ce que dit Buffon de la migration des cailles, il est utile d’ajouter quelques détails. Les cailles ne voyagent pas, comme les hirondelles, en grandes troupes comprenant tous les individus d’une même localité. Chaque individu part sans se soucier de ses semblables ; en route, d’autres se joignent à lui et, peu à peu, la bande s’accroît. C’est seulement quand elles arrivent sur les côtes septentrionales de la Méditerranée que les troupes se montrent formées d’un nombre très considérable d’individus. Quelques individus ne vont pas plus loin et passent l’hiver dans le midi de l’Italie, de l’Espagne, de la Grèce et même de la France ; mais le plus grand nombre traverse la Méditerranée et se rend en Afrique. Là les bandes se dispersent. Au printemps elles reviennent en Europe en suivant des routes différentes et en formant des bandes moins considérables. Brehm décrit de la façon suivante la façon dont s’effectue la traversée de la Méditerranée : « Toutes les cailles voyagent sur le continent aussi longtemps qu’elles le peuvent ; c’est pourquoi on en voit d’innombrables quantités à l’extrémité des trois presqu’îles européennes. Si le vent est contraire, elles s’arrêtent ; s’il est favorable, elles reprennent leur vol, franchissent la mer dans la direction du sud-ouest. Si le vent reste constant, leur traversée est heureuse ; quand l’air est calme, il est rare qu’une d’elles tombe à la mer. Les voyageuses volent tant qu’elles peuvent ; sont-elles fatiguées, au rapport de marins dignes de foi, elles s’abattent sur les flots, s’y repo-