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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/529

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voix sonore que lorsqu’il est éloigné des femelles, et il ne la fait jamais entendre en cage, pour peu qu’il ait une compagne avec lui ; la femelle a un cri que tout le monde connaît, qui ne lui sert que pour rappeler son mâle, et quoique ce cri soit faible et que nous ne puissions l’entendre qu’à une petite distance, les mâles y accourent de près d’une demi-lieue ; elle a aussi un petit son tremblotant cri, cri. Le mâle est plus ardent que la femelle, car celle-ci ne court point à la voix du mâle, comme le mâle accourt à la voix de la femelle dans le temps de l’amour, et souvent avec une telle précipitation, un tel abandon de lui-même, qu’il vient la chercher jusque dans la main de l’oiseleur[1].

La caille, ainsi que la perdrix et beaucoup d’autres animaux, ne produit que lorsqu’elle est en liberté : on a beau fournir à celles qui sont prisonnières dans des cages tous les matériaux qu’elles emploient ordinairement dans la construction de leurs nids, elles ne nichent jamais et ne prennent aucun soin des œufs qui leur échappent et qu’elles semblent pondre malgré elles.

On a débité plusieurs absurdités sur la génération des cailles ; on a dit d’elles, comme des perdrix, qu’elles étaient fécondées par le vent : cela veut dire qu’elles pondent quelquefois sans le secours du mâle[2] ; on a dit qu’elles s’engendraient des thons que la mer agitée rejette quelquefois sur les côtes de Libye ; qu’elles paraissaient d’abord sous la forme de vers, ensuite sous celle de mouches, et que, grossissant par degrés, elles devenaient bientôt des sauterelles et enfin des cailles[3], c’est-à-dire que des gens grossiers ont vu des couvées de cailles chercher dans les cadavres de ces thons laissés par la mer quelques insectes qui y étaient éclos et que, ayant quelque notion vague des métamorphoses des insectes, ils ont cru qu’une sauterelle pouvait se changer en caille comme un ver se change en un insecte ailé ; enfin on a dit que le mâle s’accouplait avec le crapaud femelle[4], ce qui n’a pas même d’apparence de fondement.

Les cailles se nourrissent de blé, de millet, de chènevis, d’herbe verte, d’insectes, de toutes sortes de graines, même de celle d’ellébore, ce qui avait donné aux anciens de la répugnance pour leur chair, joint à ce qu’ils croyaient que c’était le seul animal avec l’homme qui fût sujet au mal caduc[5] ; mais l’expérience a détruit ce préjugé.

En Hollande, où il y a beaucoup de ces oiseaux, principalement sur les côtes, on appelle les baies de brione ou couleuvrée baies aux cailles[6], ce qui suppose en elles un appétit de préférence pour cette nourriture.

  1. Aristote, Histor. animal., lib. viii, cap. xii.
  2. Aristote, Historia animalium, lib. viii, cap. xii.
  3. Voyez Gesner, de Avibus, p. 355.
  4. Panodemus apud Gesnerum, p. 355.
  5. « Coturnicibus veratri (alias veneni) semen gratissimus cibus, quam ob causam eam damnavere mensæ, etc. » Pline, Hist. nat., lib. x, cap. xxiii.
  6. « Apud Hollandos brioniæ acini quartels beyen dicuntur. » Hadrian. Jun., Nomenclat.