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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/557

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on, servi de ces pigeons pour porter promptement des lettres au loin, ce qui leur a fait donner le nom de messagers ;

5o Le pigeon cavalier de Willughby[1] et d’Albin[2], qui provient, dit-on, du pigeon grosse-gorge et du pigeon messager, participant de l’un et de l’autre, car il a la faculté d’enfler beaucoup son jabot comme le pigeon grosse-gorge, et il porte sur ses narines des membranes épaisses comme le pigeon messager ; mais il y a apparence qu’on pourrait également se servir de tout autre pigeon pour porter de petites choses, ou plutôt les rapporter de loin[NdÉ 1] ; il suffit pour cela de les séparer de leur femelle et de les transporter dans le lieu d’où l’on veut recevoir des nouvelles, ils ne manque-

  1. « Columba eques. » Willughby, Ornithol., p. 132, no 12.
  2. Pigeon-cavalier. Albin, t. III, p. 30, avec une figure, planche xlv.
  1. Tout le monde sait quelle importance ont acquis depuis un certain nombre d’années les pigeons au point de vue de la transmission des dépêches, et personne n’a oublié les services que les pigeons voyageurs ont rendus pendant le siège de Paris. Un pigeon enlevé à son pigeonnier et transporté à une distance souvent très considérable y revient presque toujours. Mais pour cela il faut, d’ordinaire, qu’il ait subi une certaine éducation, du moins si l’on veut lui faire accomplir un long voyage ; car c’est surtout par la vue, qui est très puissante chez les oiseaux, que le pigeon est guidé dans son voyage. Si donc on veut qu’un pigeon voyageur accomplisse très rapidement et sans erreur un voyage un peu long, de Paris à Bruxelles, par exemple, on l’emporte de Paris et on le lâche à une station voisine de cette ville ; puis on le transporte à une station un peu plus éloignée de Paris que la première, d’où on le lâche. En répétant cette opération un certain nombre de fois tout le long de la route de Paris à Bruxelles, on fait acquérir au pigeon la connaissance exacte de cette route. Dans ce cas, c’est uniquement la vue qui guide le pigeon voyageur. Il est parfois beaucoup plus difficile de se rendre compte des moyens employés par le pigeon pour reconnaître la route qu’il doit suivre afin de retourner à son pigeonnier. Tel est le cas dans lequel on emporte un pigeon dans un panier à une très grande distance ; tel est le cas encore des pigeons qui, pendant le siège de Paris, étaient transportés en ballon jusqu’à Tours et qui cependant revenaient à Paris. D’après Toussenel, les pigeons seraient, dans ce cas, guidés par des impressions atmosphériques. Cet habile observateur admet qu’un pigeon habitant un pays déterminé, la France, par exemple, sait très bien distinguer les quatre points cardinaux, d’après la température et l’état hygrométrique des vents qui en viennent. « Le pigeon domestique, ajoute-t-il, transporté de Bruxelles à Toulouse dans un panier couvert, n’a pas eu le loisir de relever de l’œil la carte géographique du parcours ; mais il n’était au pouvoir de personne de l’empêcher de sentir, aux chaudes impressions de l’atmosphère, qu’il suivait la route du Midi. Rendu à la liberté à Toulouse, il sait déjà que la ligne à suivre pour regagner ses pénates est la ligne du Nord. Donc, il pique droit dans cette direction et ne s’arrête que vers les parages du ciel dont la température moyenne est celle de la zone qu’il habite. S’il ne retrouve pas d’emblée son domicile, c’est qu’il a remonté perpendiculairement à l’équateur et qu’il a trop appuyé sur la gauche ou la droite, Bruxelles et Toulouse ou une autre ville ne se trouvant pas exactement sur le même méridien. En tout cas, il n’a plus besoin que de quelques heures de recherches dans la direction de l’est à l’ouest pour relever ses erreurs ; et c’est ce travail de rectification qui explique la différence que l’on observe entre les heures d’arrivée des différents courriers expédiés. »

    Il est fort probable que cette explication contient une part plus ou moins considérable de vérité ; mais il me semble qu’on pourrait ajouter à la connaissance des vents et de la température une notion plus ou moins exacte de la direction de la marche du soleil ou de la lune, notion qui, ajoutée à celle de la température et de l’humidité, permettrait à l’oiseau de guider sa marche.