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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/559

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temps de Pline[1] qui parle des grands pigeons de Campanie et des curieux en ce genre, qui achetaient à un prix excessif une paire de beaux pigeons dont ils racontaient l’origine et la noblesse, et qu’ils élevaient dans des tours placées au-dessus du toit de leurs maisons. Tout ce que nous ont dit les anciens au sujet des mœurs et des habitudes des pigeons doit donc se rapporter aux pigeons de volière plutôt qu’à ceux de nos colombiers, qu’on doit regarder comme une espèce moyenne entre les pigeons domestiques et les pigeons sauvages, et qui participent en effet des mœurs des uns et des autres.

Tous ont de certaines qualités qui leur sont communes : l’amour de la société, l’attachement à leurs semblables, la douceur de mœurs, la chasteté, c’est-à-dire la fidélité réciproque et l’amour sans partage du mâle et de la femelle ; la propreté, le soin de soi-même, qui supposent l’envie de plaire ; l’art de se donner des grâces qui le suppose encore plus ; les caresses tendres, les mouvements doux, les baisers timides qui ne deviennent intimes et pressants qu’au moment de jouir ; ce moment même ramené quelques instants après par de nouveaux désirs, de nouvelles approches également nuancées, également senties ; un feu toujours durable, un goût toujours constant, et pour plus grand bien encore la puissance d’y satisfaire sans cesse ; nulle humeur, nul dégoût, nulle querelle ; tout le temps de la vie employé au service de l’amour et au soin de ses fruits ; toutes les fonctions pénibles également réparties ; le mâle aimant assez pour les partager et même se charger des soins maternels, couvant régulièrement à son tour et les œufs et les petits pour en épargner la peine à sa compagne, pour mettre entre elle et lui cette égalité dont dépend le bonheur de toute union durable : quels modèles pour l’homme, s’il pouvait ou savait les imiter !


OISEAUX ÉTRANGERS
QUI ONT RAPPORT AU PIGEON

Il y a peu d’espèces qui soient aussi généralement répandues que celle du pigeon : comme il a l’aile très forte et le vol soutenu, il peut faire aisément de longs voyages ; aussi la plupart des races sauvages ou domestiques se trouvent dans tous les climats. De l’Égypte jusqu’en Norvège on élève des

  1. « Columbarum amore insaniunt multi ; super tecta exædificant turres iis ; nobilitatemque singularum et origines narrant veteres. Jam exemplo L. Axius, eques romanus, ante bellum civile pompeianum, denariis quadringentis singula paria venditavit, ut M. Varro tradit ; quin et patriam nobilitavêre, in Campaniâ grandissimæ provenire existimatæ. » Pline, Hist. nat., lib. x, cap. xxxvii. — Les quatre cents deniers romains font soixante-dix livres de notre monnaie ; la manie pour les beaux pigeons est donc encore plus grande aujourd’hui que du temps de Pline, car nos curieux les payent beaucoup plus cher.