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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/580

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tagnes de Suisse, de celles d’Auvergne, etc., ne paraissent pas néanmoins sur les montagnes du Bugey, ni dans toute la chaîne qui horde le pays de Gex jusqu’à Genève. Belon, qui les avait vus sur le mont Jura, en Suisse, les a retrouvés dans l’île de Crète, et toujours sur la cime des rochers[1]. Mais M. Hasselquist assure qu’ils arrivent et se répandent en Égypte vers le temps où le Nil débordé est prêt à rentrer dans son lit[2]. En admettant ce fait, quoique contraire à tout ce que l’on sait d’ailleurs de la nature de ces oiseaux, il faut donc supposer qu’ils sont attirés en Égypte par une nourriture abondante, telle qu’en peut produire un terrain gras et fertile, au moment où, sortant de dessous les eaux, il reçoit la puissante influence du soleil ; et, en effet, les craves se nourrissent d’insectes et de grains nouvellement semés et ramollis par le premier travail de la végétation.

Il résulte de tout cela que ces oiseaux ne sont point attachés absolument et exclusivement aux sommets des montagnes et des rochers, puisqu’il y en a qui paraissent régulièrement en certains temps de l’année dans la basse Égypte ; mais qu’ils ne se plaisent pas également sur les sommets de tout rocher et de toute montagne, et qu’ils préfèrent constamment les uns aux autres, non point à raison de leur hauteur ou de leur exposition, mais à raison de certaines circonstances qui ont échappé jusqu’à présent aux observateurs.

Il est probable que le coracias d’Aristote[3] est le même que celui de cet article, et non le pyrrhocorax de Pline, dont il diffère en grosseur, comme aussi par la couleur du bec que le pyrrhocorax a jaune[4] : d’ailleurs, le crave ou coracias à bec et pieds rouges ayant été vu par Belon sur les montagnes de Crète[5], il était plus à portée d’être connu d’Aristote que le pyrrhocorax, lequel passait chez les anciens pour être propre et particulier aux montagnes des Alpes, et qu’en effet Belon n’a point vu dans la Grèce.

Je dois avouer cependant qu’Aristote fait de son coracias une espèce de choucas (κολοιός), comme nous en faisons une du pyrrhocorax de Pline, ce qui semble former un préjugé en faveur de l’identité, ou du moins de la proximité de ces deux espèces ; mais comme dans le même chapitre je trouve un palmipède joint aux choucas comme étant de même genre, il est visible que ce philosophe confond des oiseaux de nature différente, ou plutôt que cette confusion résulte de quelque faute de copiste, et qu’on ne doit pas se prévaloir d’un texte probablement altéré pour fixer l’analogie des espèces, mais qu’il est plus sûr d’établir cette analogie d’après les vrais caractères de chaque espèce. Ajoutez à cela que le nom de pyrrhocorax, qui est tout

  1. Nature des oiseaux, p. 287 ; et Observations, fol. 11, verso.
  2. Itinera, p. 240.
  3. Historia animalium, lib. ix, cap. xxiv.
  4. « Luteo rostro. » Pline, lib. x, cap. xlviii.
  5. Observations, fol. 11, verso.