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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/595

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un autre[1] ; il reste même attaché au nid qu’il a construit, et il s’en sert plusieurs années de suite, comme nous l’avons vu ci-dessus.

Son plumage n’est pas le même dans tous les pays. Indépendamment des causes particulières qui peuvent en altérer la couleur ou la faire varier du noir au brun et même au jaune, comme je l’ai remarqué plus haut, il subit encore plus ou moins les influences du climat : il est quelquefois blanc en Norvège et en Islande, où il y a aussi des corbeaux tout à fait noirs et en assez grand nombre[2]. D’un autre côté, on en trouve de blancs au centre de la France et de l’Allemagne, dans des nids où il y en a aussi de noirs[3]. Le corbeau du Mexique, appelé cacalotl par Fernandez, est varié de ces deux couleurs[4] ; celui de la baie de Saldagne a un collier blanc[5] ; celui de Madagascar, appelé coach selon Flacourt, a du blanc sous le ventre, et l’on retrouve le même mélange de blanc et de noir dans quelques individus de la race qui réside en Europe, même dans celui à qui M. Brisson a donné le nom de corbeau blanc du Nord[6], et qu’il eût été plus naturel, ce me semble, d’appeler corbeau noir et blanc, puisqu’il a le dessus du corps noir, le dessous blanc et la tête blanche et noire, ainsi que le bec, les pieds, la queue et les ailes. Celles-ci ont vingt et une pennes, et la queue en a douze, dans lesquelles il y a une singularité à remarquer, c’est que les correspondantes de chaque côté, je veux dire les pennes qui de chaque côté sont à égale distance des deux du milieu, et qui sont ordinairement semblables entre elles pour la forme et pour la distribution des couleurs, ont, dans l’individu décrit par M. Brisson, plus ou moins de blanc et distribué d’une manière différente, ce qui me ferait soupçonner que le blanc est ici une altération de la couleur naturelle, qui est le noir, un effet accidentel de la température excessive du climat, laquelle, comme cause extérieure, n’agit pas toujours uniformément en toutes saisons ni en toutes circonstances, et dont les effets ne sont jamais aussi réguliers que ceux qui sont produits par la constante activité du moule intérieur ; et si ma conjecture est vraie, il n’y a aucune raison de faire une espèce particulière, ni même une race ou variété permanente de cet oiseau, lequel ne diffère d’ailleurs de notre corbeau ordi-

  1. Frisch (pl. 63). « Aves quæ in urbibus soient præcipue vivere, semper apparent, nec loca mutant aut latent, ut corvus et cornix. » Aristot., Hist. animal., lib. ix, cap. xxiii.
  2. Description de l’Islande, d’Horrebow, t. Ier, p. 206, 219. — Klein, Ordo avium, p. 58, 167. Jean de Cay a vu en 1548, à Lubeck, deux corbeaux blancs qui étaient dressés pour la chasse. Klein, Ordo avium, p. 58.
  3. Voyez Éphémérides d’Allemagne. Décurie i, année iii. Observ. lvii. Le docteur Wisel ajoute que l’année suivante on ne trouva dans le même nid que des corbeaux noirs, et que dans le même bois, mais dans un autre nid, on avait trouvé un corbeau noir et deux blancs. On en tue quelquefois de cette dernière couleur en Italie. Voyez Gerini, Storia degli Uccelli, t. II, p. 33.
  4. Historia avium Novæ-Hispaniæ, cap. clxxiv, p. 48.
  5. Voyage de Downton, à la suite de celui de Middleton, 1610.
  6. Ornithologie, t. VI. Supplément, p. 33.