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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/597

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comme un trait marqué de dissemblance avec nos corbeaux ; cependant nous avons vu que ceux-ci mangent les noix du pays et qu’ils ne sont pas aussi carnassiers qu’on le croit communément. Or, cette différence, étant ainsi réduite à sa juste valeur, laisse, au sentiment de l’unique observateur qui a vu et nommé l’oiseau, toute son autorité.

D’un autre côté, ni la description de Bontius ni la figure ne présentent le moindre vestige de cette dentelure du bec dont M. Brisson a fait un des caractères de la famille des calaos ; et la petite protubérance, qui paraît sur le bec dans la figure, ne semble point avoir de rapport avec celles du bec du calao. Enfin le calao n’a ni ces tempes mouchetées, ni ces plumes du cou noirâtres dont il est parlé dans la description de Bontius ; et il a lui-même un bec si singulier[1], qu’on ne peut, ce me semble, supposer qu’un observateur l’ait vu et n’en ait rien dit, et surtout qu’il l’ait pris pour un bec de corbeau ordinaire.

La chair du corbeau des Indes de Bontius a un fumet aromatique très agréable qu’elle doit aux muscades dont l’oiseau fait sa principale nourriture ; et il y a toute apparence que, si notre corbeau se nourrissait de même, il perdrait sa mauvaise odeur.

Il faudrait avoir vu le corbeau du désert (graab el zahara), dont parle le docteur Shaw[2], pour le rapporter sûrement à l’espèce de notre pays, dont il se rapproche le plus. Tout ce qu’en dit ce docteur, c’est qu’il est un peu plus gros que notre corbeau et qu’il a le bec et les pieds rouges. Cette rougeur des pieds et du bec est ce qui a déterminé M. Shaw à le regarder comme un grand coracias : à la vérité, l’espèce du coracias n’est point étrangère à l’Afrique, comme nous l’avons vu plus haut ; mais un coracias plus grand qu’un corbeau ! Quatre lignes de description bien faite dissiperaient toute cette incertitude, et c’est pour obtenir ces quatre lignes de quelque voyageur instruit que je fais ici mention d’un oiseau dont j’ai si peu à dire.

Je trouve encore dans Kæmpfer deux oiseaux auxquels il donne le nom de corbeaux, sans indiquer aucun caractère qui puisse justifier cette dénomination. L’un est, selon lui, d’une grosseur médiocre, mais extrêmement fier : on l’avait apporté de la Chine au Japon pour en faire présent à l’empereur. L’autre, qui fut aussi offert à l’empereur du Japon, était un oiseau de Corée, fort rare, appelé coreigaras, c’est-à-dire corbeau de Corée. Kæmpfer ajoute qu’on ne trouve point au Japon les corbeaux qui sont communs en Europe, non plus que les perroquets et quelques autres oiseaux des Indes[3].

  1. Voyez-en la figure, pl. xlv de l’Ornithologie de M. Brisson, t. IV.
  2. M. Shaw lui donne encore les noms suivants : Crow of the desert, redlegged crow, Pyrrhocorax. Voyez Travels of Barbary, p. 251.
  3. Voyez Histoire du Japon, t. Ier, p. 113.