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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/598

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Ce serait ici le lieu de placer l’oiseau d’Arménie, que M. de Tournefort a appelé roi des corbeaux[1], si cet oiseau était en effet un corbeau, ou seulement s’il approchait de cette famille. Mais il ne faut que jeter les yeux sur le dessin en miniature qui le représente pour juger qu’il a beaucoup plus de rapport avec les paons et les faisans par sa belle aigrette, par la richesse de son plumage, par la brièveté de ses ailes, par la forme de son bec, quoiqu’il soit un peu plus allongé, et quoiqu’on remarque d’autres différences dans la forme de la queue et des pieds. Il est nommé avec raison, sur ce dessin, avis persica pavoni congener ; et c’est aussi parmi les oiseaux étrangers analogues aux faisans et aux paons que j’en aurais parlé, si ce même dessin fût venu plus tôt à ma connaissance[2].


LA CORBINE OU CORNEILLE NOIRE

Quoique cette corneille[NdÉ 1] diffère à beaucoup d’égards du grand corbeau, surtout par la grosseur et par quelques-unes de ses habitudes naturelles, cependant il faut avouer que d’un autre côté elle a assez de rapports avec lui, tant de conformation et de couleur que d’instinct, pour justifier la dénomination de corbine, qui est en usage dans plusieurs endroits, et que j’adopte par la raison qu’elle est en usage.

Ces corbines passent l’été dans les grandes forêts, d’où elles ne sortent de temps en temps que pour chercher leur subsistance et celle de leur couvée. Le fond principal de cette subsistance, au printemps, ce sont les œufs de perdrix dont elles sont très friandes, et qu’elles savent même percer fort adroitement pour les porter à leurs petits sur la pointe de leur bec : comme elles en font une grande consommation, et qu’il ne leur faut qu’un moment pour détruire l’espérance d’une famille entière, on peut dire qu’elles ne sont pas les moins nuisibles des oiseaux de proie, quoiqu’elles soient les moins sanguinaires. Heureusement il n’en reste pas un grand nombre : on en trouverait difficilement plus de deux douzaines de paires dans une forêt de cinq ou six lieues de tour aux environs de Paris.

En hiver elles vivent avec les mantelées, les frayonnes ou les freux, et à

  1. Voyez son Voyage au Levant, t. II, p. 353.
  2. Il est à la Bibliothèque du Roi dans le cabinet des estampes, et fait partie de cette belle suite de miniatures en grand, qui représentent d’après nature les objets les plus intéressants de l’histoire naturelle.
  1. Corvus corone [Note de Wikisource : actuellement Corvus corone Linnæus, vulgairement corneille noire]. — D’après certains ornithologistes la Corneille noire ne serait qu’une variété noire de Corneille mantelée (Corvus Cornix L. [Note de Wikisource : actuellement Corvus cornix Linnæus, vulgairement corneille mantelée]). — Les corneilles se distinguent des corbeaux par un bec plus petit, une queue arrondie, tronquée, un plumage lâche et peu brillant.