Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/600

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous avaient la chair mêlée de jaune et de noir, le bout du bec et des ongles jaune, les coins de la bouche blanc sale, le reste du bec et des pieds rougeâtre.

Lorsqu’une buse ou une cresserelle vient à passer près du nid, le père et la mère se réunissent pour les attaquer, et ils se jettent sur elles avec tant de fureur qu’ils les tuent quelquefois en leur crevant la tête à coups de bec. Ils se battent aussi avec les pies-grièches ; mais celles-ci, quoique plus petites, sont si courageuses qu’elles viennent souvent à bout de les vaincre, de les chasser et d’enlever toute la couvée.

Les anciens assurent que les corbines, ainsi que les corbeaux, continuent leurs soins à leurs petits bien au delà du temps où ils sont en état de voler[1]. Cela me paraît vraisemblable ; je suis même porté à croire qu’ils ne se séparent point du tout la première année ; car ces oiseaux étant accoutumés à vivre en société, et cette habitude, qui n’est interrompue que par la ponte et ses suites, devant bientôt les réunir avec des étrangers, n’est-il pas naturel qu’ils continuent la société commencée avec leur famille, et qu’ils la préfèrent même à toute autre ?

La corbine apprend à parler comme le corbeau, et comme lui elle est omnivore : insectes, vers, œufs d’oiseau, voiries, poissons, grains, fruits, toute nourriture lui convient ; elle sait aussi casser les noix en les laissant tomber d’une certaine hauteur[2] ; elle visite les lacets et les pièges, et fait son profit des oiseaux qu’elle y trouve engagés ; elle attaque même le petit gibier affaibli ou blessé, ce qui a donné l’idée dans quelques pays de l’élever pour la fauconnerie[3] ; mais, par une juste alternative, elle devient à son tour la proie d’un ennemi plus fort, tel que le milan, le grand duc, etc.[4].

Son poids est d’environ dix ou douze onces ; elle a douze pennes à la queue, toutes égales, vingt à chaque aile, dont la première est la plus courte et la quatrième la plus longue ; environ trois pieds de vol[5] ; l’ouverture des narines ronde et recouverte par des espèces de soies dirigées en avant ; quelques grains noirs autour des paupières ; le doigt extérieur de chaque pied uni à celui du milieu jusqu’à la première articulation ; la langue fourchue et même effilée, le ventricule peu musculeux, les intestins roulés en un grand nombre de circonvolutions, les cæcums longs d’un demi-pouce, la vésicule

  1. Aristot., Hist. animal., lib. vi, cap. vi.
  2. Plin., lib. x, cap. xii.
  3. Les seigneurs turcs tiennent des éperviers, sacres, faucons, etc., pour la chasse ; les autres de moindre qualité tiennent des corneilles grises et noires, qu’ils peignent de diverses couleurs, qu’ils portent sur le poing de la main droite et qu’ils réclament en criant houb, houb par diverses fois, jusqu’à ce qu’elles reviennent sur le poing. Villamont, p. 677 ; et Voyage de Bender, par le chevalier Belleville, p. 232.
  4. « Ipse vidi milvum, mediâ hieme, cornicem juxta viam publicam deplumantem. » Klein, Ordo avium, p. 177. Voyez ci-dessus l’histoire du grand duc, p. 172.
  5. Willughby ne leur donne que deux pieds de vol ; ce serait moins qu’il n’en donne au choucas : je crois que c’est une faute d’impression.