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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/601

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du fiel grande et communiquant au tube intestinal par un double conduit[1] ; enfin, le fond des plumes, c’est-à-dire la partie qui ne paraît point au dehors, d’un cendré foncé.

Comme cet oiseau est fort rusé, qu’il a l’odorat très subtil, et qu’il vole ordinairement en grandes troupes, il se laisse difficilement approcher et ne donne guère dans les pièges des oiseleurs. On en attrape cependant quelques-uns à la pipée, en imitant le cri de la chouette et tendant les gluaux sur les plus hautes branches, ou bien en les attirant à la portée du fusil ou même de la sarbacane par le moyen d’un grand duc ou de tel autre oiseau de nuit qu’on élève sur des juchoirs dans un lieu découvert. On les détruit en leur jetant des fèves de marais dont elles sont très friandes, et que l’on a eu la précaution de garnir en dedans d’aiguilles rouillées ; mais la façon la plus singulière de les prendre est celle-ci que je rapporte, parce qu’elle fait connaître le naturel de l’oiseau. Il faut avoir une corbine vivante : on l’attache solidement contre terre, les pieds en haut, par le moyen de deux crochets qui saisissent de chaque côté l’origine des ailes ; dans cette situation pénible elle ne cesse de s’agiter et de crier, les autres corneilles ne manquent pas d’accourir de toutes parts à sa voix comme pour lui donner du secours ; mais la prisonnière, cherchant à s’accrocher à tout pour se tirer d’embarras, saisit avec le bec et les griffes, qu’on lui a laissés libres, toutes celles qui s’approchent et les livre ainsi à l’oiseleur[2]. On les prend encore avec des cornets de papier, appâtés de viande crue : lorsque la corneille introduit sa tête pour saisir l’appât qui est au fond, les bords du cornet qu’on a eu la précaution d’engluer s’attachent aux plumes de son cou, elle en demeure coiffée, et, ne pouvant se débarrasser de cet incommode bandeau qui lui couvre entièrement les yeux, elle prend l’essor et s’élève en l’air presque perpendiculairement (direction la plus avantageuse pour éviter les chocs), jusqu’à ce qu’ayant épuisé ses forces elle retombe de lassitude, et toujours fort près de l’endroit d’où elle était partie. En général, quoique ces corneilles n’aient le vol ni léger ni rapide, elles montent cependant à une très grande hauteur, et lorsqu’une fois elles y sont parvenues elles s’y soutiennent longtemps et tournent beaucoup.

Comme il y a des corbeaux blancs et des corbeaux variés, il y a aussi des corbines blanches[3] et des corbines variées de noir et de blanc[4], lesquelles ont les mêmes mœurs, les mêmes inclinations que les noires.

Frisch dit avoir vu une seule fois une troupe d’hirondelles voyageant avec une bande de corneilles variées, et suivant la même route : il ajoute que ces

  1. Willughby, p. 83.
  2. Voyez Gesner, De Avibus, p. 324.
  3. Voyez Schwenckfeld, Aviarium Silesiæ, p. 243. — Salerne, p. 84. M. Brisson ajoute qu’elles ont aussi le bec, les pieds et les ongles blancs.
  4. Frisch, planche 66.