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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/602

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corneilles variées passent l’été sur les côtes de l’Océan, vivant de tout ce que rejette la mer, que l’automne elles se retirent du côté du Midi, qu’elles ne vont jamais par grandes troupes, et que bien qu’en petit nombre, elles se tiennent à une certaine distance les unes des autres[1], en quoi elles ressemblent tout à fait à la corneille noire, dont elles ne sont apparemment qu’une variété constante, ou, si l’on veut, une race particulière.

Il est fort probable que les corneilles des Maldives, dont parle François Pyrard, ne sont pas d’une autre espèce, puisque ce voyageur, qui les a vues de fort près, n’indique aucune différence : seulement elles sont plus familières et plus hardies que les nôtres ; elles entrent dans les maisons pour prendre ce qui les accommode, et souvent la présence d’un homme ne leur en impose point[2]. Un autre voyageur ajoute que ces corneilles des Indes se plaisent à faire dans une chambre, lorsqu’elles peuvent y pénétrer, toutes les malices qu’on attribue aux singes ; elles dérangent les meubles, les déchirent à coups de bec, renversent les lampes, les encriers, etc.[3].

Enfin, selon Dampier, il y a à la Nouvelle-Hollande[4] et à la Nouvelle-Guinée[5] beaucoup de corneilles qui ressemblent aux nôtres : il y en a aussi à la Nouvelle-Bretagne[6] ; mais il paraît que, quoiqu’il y en ait beaucoup en France, en Angleterre et dans une partie de l’Allemagne, elles sont beaucoup moins répandues dans le nord de l’Europe ; car M. Klein dit que la corbine est rare dans la Prusse[7] ; et il faut qu’elle ne soit point commune en Suède, puisqu’on ne trouve pas même son nom dans le dénombrement qu’a donné M. Linnæus des oiseaux de ce pays. Le P. du Tertre assure aussi qu’il n’y en a point aux Antilles[8], quoique, suivant un autre voyageur[9], elles soient fort communes à la Louisiane.


  1. Frisch, planche 66.
  2. Première partie de son Voyage, t. Ier, p. 131.
  3. Voyage d’Orient, du Père Philippe de la Trinité, p. 379.
  4. Voyage de Dampier, t. IV, p. 138.
  5. Voyage de Dampier, t. V, p. 81. Suivant cet auteur, les corneilles de la Nouvelle-Guinée diffèrent des nôtres seulement par la couleur de leurs plumes, dont tout ce qui paraît est noir, mais dont le fond est blanc.
  6. Navigation aux terres Australes, t. II, p. 167.
  7. Ordo avium, p. 58.
  8. Histoire naturelle des Antilles, p. 267, t. II.
  9. Voyez Histoire de la Louisiane, par M. le Page du Pratz, t. II, p. 134 : il y est dit que leur chair est meilleure à manger dans ce pays qu’en France, parce qu’elles n’y vivent point de voiries, en étant empêchées par les carancros, c’est-à-dire par ces espèces de vautours d’Amérique appelés auras ou marchands.