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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/606

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Elle a encore cela de commun avec le freux qu’elle change de demeure deux fois par an et qu’elle peut être regardée comme un oiseau de passage, car nous la voyons chaque année arriver par très grandes troupes sur la fin de l’automne et repartir au commencement du printemps, dirigeant sa route au nord ; mais nous ne savons pas précisément en quels lieux elle s’arrête : la plupart des auteurs disent qu’elle passe l’été sur les hautes montagnes[1] et qu’elle y fait son nid sur les pins et les sapins ; il faut donc que ce soit sur des montagnes inhabitées et peu connues, comme celles des îles de Shetland, où l’on assure effectivement qu’elle fait sa ponte[2] ; elle niche aussi en Suède[3] dans les bois et par préférence sur les aunes, et sa ponte est ordinairement de quatre œufs ; mais elle ne niche point dans les montagnes de Suisse[4], d’Italie, etc.[5].

Enfin, quoique selon le plus grand nombre des naturalistes elle vive de toute sorte de nourritures, entre autres de vers, d’insectes, de poissons[6], même de chair corrompue, et, par préférence à tout, de laitage[7] ; et quoique d’après cela elle dût être mise au rang des omnivores, cependant comme ceux qui ont ouvert son estomac y ont trouvé de toutes sortes de grains mêlés avec de petites pierres[8], on peut croire qu’elle est plus granivore qu’autre chose, et c’est un troisième trait de conformité avec le freux : dans tout le reste, elle ressemble beaucoup à la corbine ou corneille noire ; c’est à peu près la même taille, le même port, le même cri, le même son de voix, le même vol ; elle a la queue et les ailes, le bec et les pieds, et presque tout ce que l’on connaît de ses parties intérieures conformé de même dans les plus petits détails[9], ou, si elle s’en éloigne en quelque chose, c’est pour se rapprocher de la nature du freux ; elle va souvent avec lui ; comme lui, elle niche sur les arbres[10] ; elle pond quatre ou cinq œufs, mange ceux des petits oiseaux et quelquefois les petits oiseaux eux-mêmes.

  1. Voyez Aldrov., Ornithol., t. Ier, p. 756. — Schwenckfeld, Aviar. Silesiæ, p. 242. — Belon, Nat. des oiseaux, p. 284, etc.
  2. Voyez British Zoology, p. 76. Les auteurs de cet ouvrage ajoutent que c’est la seule espèce de corneille qui se trouve dans ces îles. Gesner.
  3. Fauna Suecica, p. 25.
  4. Gesner, De Avibus, p. 332.
  5. Aldrovande, Ornithologie, t. Ier, p. 756.
  6. Frisch dit qu’elle épluche fort adroitement les arêtes des poissons, que lorsqu’on vide les étangs elle aperçoit très vite ceux qui restent dans la bouc, et qu’elle ne perd pas de temps à les en tirer. Planche 65. — Avec ce goût, il est tout simple qu’elle se tienne souvent au bord des eaux, mais on n’aurait pas dû pour cela lui donner le nom de corneille aquatique ou de corneille marine, puisque ces dénominations conviendraient au même titre à la corneille noire et au corbeau, lesquels ne sont certainement pas des oiseaux aquatiques.
  7. Voyez Aldrovande, p. 756.
  8. Gesner, De Avibus, p. 333. — Ray, Sinopsis avium, p. 40.
  9. Voyez Willughby, Ornithologia, p. 84.
  10. Frisch remarque qu’elle place son nid, tantôt à la cime des arbres, et tantôt sur les branches inférieures, ce qui supposerait qu’elle fait quelquefois sa ponte en Allemagne. Je viens de m’assurer par moi-même qu’elle niche quelquefois en France, et notamment en