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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/610

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inflexion de voix, car on m’assure qu’on les entend quelquefois crier tian, tian, tian.

Ils vivent tous deux d’insectes, de grains, de fruits, et même de chair, quoique très rarement ; mais ils ne touchent point aux voiries, et ils n’ont pas l’habitude de se tenir sur les côtes pour se rassasier de poissons morts et autres cadavres rejetés par la mer[1]. En quoi ils ressemblent plus au freux et même à la mantelée qu’à la corbine ; mais ils se rapprochent de celle-ci par l’habitude qu’ils ont d’aller à la chasse aux œufs de perdrix et d’en détruire une grande quantité.

Ils volent en grandes troupes comme le freux ; comme lui ils forment des espèces de peuplades et même de plus nombreuses, composées d’une multitude de nids placés les uns près des autres et comme entassés, ou sur un grand arbre, ou dans un clocher, ou dans le comble d’un vieux château abandonné[2]. Le mâle et la femelle une fois appariés, ils restent longtemps fidèles, attachés l’un à l’autre ; et par une suite de cet attachement personnel, chaque fois que le retour de la belle saison donne aux êtres vivants le signal d’une génération nouvelle, on les voit se rechercher avec empressement et se parler sans cesse ; car alors le cri des animaux est un véritable langage, toujours bien parlé, toujours bien compris ; on les voit se caresser de mille manières, joindre leurs becs comme pour se baiser, essayer toutes les façons de s’unir avant de se livrer à la dernière union, et se préparer à remplir le but de la nature par tous les degrés du désir, par toutes les nuances de la tendresse. Ils ne manquent jamais à ces préliminaires, non pas même dans l’état de captivité[3] : la femelle, étant fécondée par le mâle, pond cinq ou six œufs marqués de quelques taches brunes sur un fond verdâtre, et lorsque ses petits sont éclos, elles les soigne, les nourrit, les élève avec une affection que le mâle s’empresse de partager. Tout cela ressemble assez aux corneilles, et même à bien des égards au grand corbeau ; mais Charleton et Schwenckfeld assurent que les choucas font deux couvées par an[4], ce qui n’a jamais été dit du corbeau ni des corneilles, mais qui d’ailleurs s’accorde très bien avec l’ordre de la nature, selon lequel les espèces les plus petites sont aussi les plus fécondes.

Les choucas sont oiseaux de passage, non pas autant que le freux et la corneille mantelée, car il en reste toujours un assez bon nombre dans le pays pendant l’été : les tours de Vincennes en sont peuplées en tout temps, ainsi que tous les vieux édifices qui leur offrent la même sûreté et les mêmes commodités ; mais on en voit toujours moins en France l’été que l’hiver. Ceux

  1. Voyez Aldrovande, Ornithologia, p. 772.
  2. Voyez Belon, Nature des oiseaux, p. 287. Aldrov., loco citato. Willughby, Ornithologia, p. 85 ; ils nichent plus volontiers dans des trous d’arbres que sur les branches.
  3. Voyez Aristot., De generatione, lib. iii, cap. vi.
  4. « Bis in anno pullificant. » Aviarium Silesiæ, p. 305. Charleton, Exercit., etc., p. 75.