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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/622

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ponte de quatre ou cinq œufs ; et si elle est encore troublée, elle fera un troisième nid semblable aux deux premiers, et une troisième ponte, mais toujours moins abondante[1] ; ses œufs sont plus petits et d’une couleur moins foncée que ceux du corbeau : ce sont des taches brunes semées sur un fond vert bleu, et plus fréquentes vers le gros bout. Jean Liébault, cité par M. Salerne[2], est le seul qui dise que le mâle et la femelle couvent alternativement.

Les piats ou les petits de la pie sont aveugles et à peine ébauchés en naissant : ce n’est qu’avec le temps, et par degrés, que le développement s’achève et que leur forme se décide : la mère, non seulement les élève avec sollicitude, mais leur continue ses soins longtemps après qu’ils sont élevés. Leur chair est un manger médiocre, cependant on y a généralement moins de répugnance que pour celle des petits corneillons.

À l’égard de la différence qu’on remarque dans le plumage, je ne la regarde point absolument comme spécifique, puisque parmi les corbeaux, les corneilles et les choucas, on trouve des individus qui sont variés de noir et de blanc comme la pie ; cependant on ne peut nier que dans l’espèce du corbeau, de la corneille et du choucas proprement dit, le noir ne soit la couleur ordinaire, comme le noir et blanc est celle des pies ; et que si l’on a vu des pies blanches, ainsi que des corbeaux et des choucas blancs, il ne soit très rare de rencontrer des pies entièrement noires. Au reste, il ne faut pas croire que le noir et le blanc, qui sont les couleurs principales de la pie, excluent tout mélange d’autres couleurs ; en y regardant de près, et à certains jours, on y aperçoit des nuances de vert, de pourpre, de violet[3], et l’on est surpris de voir un si beau plumage à un oiseau si peu renommé à cet égard. Mais ne sait-on pas que, dans ce genre et dans bien d’autres, la beauté est une qualité superficielle, fugitive, et qui dépend absolument du point de vue ? Le mâle se distingue de la femelle par des reflets bleus plus marqués sur la partie supérieure du corps, et non par la noirceur de la langue, comme quelques-uns l’ont dit.

La pie est sujette à la mue comme les autres oiseaux ; mais on a remarqué que ses plumes ne tombaient que successivement et peu à peu, excepté celles de la tête qui tombent toutes à la fois, en sorte que chaque année elle paraît chauve au temps de la mue[4]. Les jeunes n’acquièrent leur longue queue que la seconde année, et sans doute ne deviennent adultes qu’à cette même époque.

  1. C’est quelque chose de semblable qui aura donné lieu d’imputer à la pie le stratagème de faire constamment deux nids, afin de donner le change aux oiseaux de proie qui en veulent à sa couvée. C’est ainsi que Denys le Tyran avait trente chambres à coucher.
  2. Hist. nat. des oiseaux, p. 93.
  3. Voyez British Zoology, p. 77, ou plutôt observez une pie sous différents jours.
  4. Plin., lib. x, cap. xxix. Il en est de même du geai et de plusieurs autres espèces.