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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/625

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posent ils font un dommage considérable aux cultivateurs. Leur ressource pendant l’hiver est de venir en foule aux portes des granges. Tout cela donne lieu de croire qu’ils sont frugivores ; cependant on remarque qu’ils ont l’odeur forte, que leur chair est noire et grossière, et qu’on en mange fort rarement.

Il suit de ce que je viens de dire que cet oiseau diffère de notre pie, non seulement par la façon de se nourrir, par sa taille et par son plumage, mais en ce qu’il a le vol plus soutenu et par conséquent l’aile plus forte, qu’il va par troupes plus nombreuses, que sa chair est encore moins bonne à manger ; enfin, que dans cette espèce la différence du sexe en entraîne une plus grande dans les couleurs ; en sorte qu’ajoutant à ces traits de dissemblance la difficulté qu’a dû rencontrer la pie d’Europe à passer en Amérique, vu qu’elle a l’aile trop courte et trop faible pour franchir les grandes mers qui séparent les deux continents sous les zones tempérées, et qu’elle fuit les pays septentrionaux où ce passage serait plus facile ; on est fondé à croire que ces prétendues pies américaines peuvent bien avoir quelque rapport avec les nôtres et les représenter dans le nouveau continent, mais qu’elles ne descendent pas d’une souche commune.

Le tesquizana du Mexique[1] paraît avoir beaucoup de ressemblance avec cette pie de la Jamaïque, puisque, suivant Fernandez, il a la queue fort longue, qu’il surpasse l’étourneau en grosseur, que le noir de son plumage a des reflets, qu’il vole en grandes troupes, lesquelles dévastent les terres cultivées où elles s’arrêtent, qu’il niche au printemps, que sa chair est dure et de mauvais goût ; en un mot, qu’on peut le regarder comme une espèce d’étourneau ou de choucas : or, l’on sait qu’au plumage près, un choucas qui a une longue queue ressemble beaucoup à une pie.

Il n’en est pas ainsi de l’isana du même Fernandez[2], quoique M. Brisson le confonde avec la pie de la Jamaïque[3]. Cet oiseau a, à la vérité, le bec, les pieds et le plumage des mêmes couleurs ; mais il paraît avoir le corps plus gros[4] et le bec du double plus long : outre cela, il se plaît dans les contrées les plus froides du Mexique, et il a le naturel, les mœurs et le cri de l’étourneau. Il est difficile, ce me semble de reconnaître à ces traits la pie de la Jamaïque de Catesby ; et si on veut le rapporter au même genre, on ne peut au moins se dispenser d’en faire une espèce séparée, d’autant plus que Fernandez, le seul naturaliste qui l’ait vu, lui trouve plus d’analogie avec l’étourneau qu’avec la pie ; et ce témoignage doit être de quelque poids auprès de ceux qui ont éprouvé combien le premier coup d’œil d’un

  1. J’ai formé ce nom par contraction du nom mexicain, tequixquiacazanatl. Fernandez l’appelle encore étourneau des lacs salés, et les Espagnols, tordo. Cet oiseau a le chant plaintif. Voyez Fernandez, Hist. avium Novæ-Hispaniæ, cap. xxxiv.
  2. Hist. avium Novæ-Hispaniæ, cap. xxxii. Il l’appelle izanatl, d’autres yxtlaolzanatl.
  3. Ornithologie, t. II, p. 42.
  4. Brachium crassa, dit Fernandez.