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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/673

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c’est la facilité qu’elle offre aux oiseleurs d’en prendre un grand nombre à la fois, en lâchant à la rencontre d’une de ces volées un ou deux oiseaux de la même espèce, ayant à chaque patte une ficelle engluée : ceux-ci ne manquent pas de se mêler dans la troupe, et au moyen de leurs allées et venues perpétuelles d’en embarrasser un grand nombre dans la ficelle perfide, et de tomber bientôt avec eux aux pieds de l’oiseleur.

C’est surtout le soir que les étourneaux se réunissent en grand nombre, comme pour se mettre en force et se garantir des dangers de la nuit : ils la passent ordinairement tout entière, ainsi rassemblés, dans les roseaux où ils se jettent vers la fin du jour avec grand fracas[1]. Ils jasent beaucoup le soir et le matin avant de se séparer, mais beaucoup moins le reste de la journée, et point du tout pendant la nuit.

Les étourneaux sont tellement nés pour la société qu’ils ne vont pas seulement de compagnie avec ceux de leur espèce, mais avec des espèces différentes. Quelquefois au printemps et en automne, c’est-à-dire avant et après la saison des couvées, on les voit se mêler et vivre avec les corneilles et les choucas, comme aussi avec les litornes et les mauvis, et même avec les pigeons.

Le temps des amours commence pour eux sur la fin de mars ; c’est alors que chaque paire s’assortit ; mais, ici comme ailleurs, ces unions si douces sont préparées par la guerre et décidées par la force ; les femelles n’ont pas le droit de faire un choix ; les mâles, peut-être plus nombreux et toujours plus pressés, surtout au commencement, se les disputent à coups de bec, et elles appartiennent au vainqueur. Leurs amours sont presque aussi bruyantes que leurs combats ; on les entend alors gazouiller continuellement : chanter et jouir, c’est toute leur occupation, et leur ramage est même si vif qu’ils semblent ne pas connaître la longueur des intervalles.

Après qu’ils ont satisfait au plus pressant des besoins, ils songent à pourvoir à ceux de la future couvée, sans cependant y prendre beaucoup de peine, car souvent ils s’emparent d’un nid de pivert, comme le pivert s’empare quelquefois du leur ; lorsqu’ils veulent le construire eux-mêmes, toute la façon consiste à amasser quelques feuilles sèches, quelques brins d’herbe et de mousse au fond d’un trou d’arbre ou de muraille : c’est sur ce matelas fait sans art que la femelle dépose cinq ou six œufs d’un cendré verdâtre et qu’elle les couve l’espace de dix-huit à vingt jours ; quelquefois elle fait sa ponte dans les colombiers, au-dessus des entablements des maisons, et même dans des trous de rochers sur les côtes de la mer, comme on le voit dans l’île de Wight et ailleurs[2]. On m’a quelquefois apporté dans le mois

  1. « Auventando ben spesso con tanta furia, che è per la moltitudine e per l’impeto con che vanno, nel gingnere si sente ender l’aria con un strepito horribile non dissimile alla gragnuola. » Olina, Uccellaria, p. 18.
  2. British Zoology, p. 93.