Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/675

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ait vu cette partie pointue en certains individus, et fourchue en d’autres[1] : pour moi, je l’ai vue fourchue dans les sujets que j’ai eu occasion d’observer.

Les étourneaux vivent de limaces, de vermisseaux, de scarabées, surtout de ces jolis scarabées d’un beau vert bronzé luisant, avec des reflets rougeâtres, qu’on trouve au mois de juin sur les fleurs et principalement sur les roses ; ils se nourrissent aussi de blé, de sarrasin, de mil, de panis, de chènevis, de graine de sureau, d’olives, de cerises, de raisins, etc.[NdÉ 1]. On prétend que cette dernière nourriture est celle qui corrige le mieux l’amertume naturelle de leur chair[2], et que les cerises sont celle pour laquelle ils montrent un appétit de préférence : aussi s’en sert-on comme d’un appât infaillible pour les attirer dans les nasses d’osier que l’on tend parmi les roseaux où ils ont coutume de se retirer tous les soirs, et l’on en prend de cette manière jusqu’à cent dans une seule nuit ; mais cette chasse n’a plus lieu lorsque la saison des cerises est passée.

Ils suivent volontiers les bœufs et autre gros bétail, paissant dans les prairies, attirés, dit-on, par les insectes qui voltigent autour d’eux, ou peut-être par ceux qui fourmillent dans leur fiente, et en général dans toutes les prairies. C’est de cette habitude que leur est venu le nom allemand rinder-staren. On les accuse encore de se nourrir de la chair des cadavres exposés sur les fourches patibulaires[3] ; mais ils n’y vont apparemment que parce

  1. « Linguâ acutâ. » Syst. nat., édit. X, p. 167. « Linguâ bifidâ. » Fauna suecica, p. 70.
  2. Voyez Schwenckfeld, M. Salerne, etc. Cardan dit que, pour bonifier la chair des étourneaux, il ne s’agit que de leur couper la tête sitôt qu’ils sont tués ; Albin, qu’il faut leur enlever la peau ; d’autres, que les étourneaux de montagnes valent mieux que les autres ; mais tout cela doit s’entendre des jeunes, car, malgré les montagnes et les précautions, la chair des vieux sera toujours sèche, amère et un très mauvais manger.
  3. Aldrovande, t. II, p. 642.
  1. L’Étourneau est l’un des oiseaux de nos pays dont il importe le plus de favoriser le développement, à cause du grand nombre de petits animaux nuisibles qu’il détruit. En Allemagne, on met à leur disposition des nids artificiels qu’ils adoptent très volontiers. Lentz a calculé qu’une seule famille d’étourneaux détruit en une journée de quatorze heures environ 364 limaces. Comme il y a deux couvées par an, il arrive un moment où une famille complète, c’est-à-dire formée des individus provenant des deux couvées, détruit près de 800 limaces par jour. « Autrefois, ajoute Lentz (cité par Brehm), les étourneaux ne se montraient qu’isolés dans les environs de Gotha. Il y a douze ans, je fis le premier essai de disposer pour eux des nids artificiels. Je n’eus, jusqu’en 1856, aucun succès, par ce simple motif qu’aucun étourneau n’y pouvait entrer : l’ouverture en était trop étroite. Au commencement de l’année, un nouveau forestier arriva à Friedrichroda, mit partout des retraites convenablement construites et m’invita à suivre son exemple. Bientôt nous avions répandu l’élève des étourneaux dans tout le duché de Gotha et dans une grande partie de la forêt de Thuringe. Déjà, dans l’automne de 1856, on voyait des étourneaux près de tous les troupeaux de bœufs et par bandes quelquefois de 500 individus. En 1857, ils étaient devenus innombrables. Dans les roseaux de l’étang Kumbach, à une demi-lieue de Schnepfenthal, 40 000 étourneaux passaient la nuit ; 100 000 dans ceux de l’étang de Siebleb, près de Gotha ; 40 000 dans ceux de l’étang Neuf, près de Waltershausen : soit, en tout, 180 000 étourneaux, qui chaque jour détruisaient au moins 12 600 000 000 de limaces. »