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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/235

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CHRONIQUES

nez, les yeux, la bouche des piétons indifférents ; monter, descendre, plonger dans les ornières, se crotter des pieds à la tête, se rompre les orteils, se mettre à l’abri des maisons qui croulent ou menacent de crouler, voilà le sort de ceux que la fièvre ou le rhumatisme ne retient pas dans un foyer peuplé d’ennuis.

La semaine dernière une maison s’est affaissée sur elle-même. Songez-vous un instant à tout ce qu’éveille de pensées dans l’esprit, le fait qu’une maison tombe de décrépitude en pleine ville, et que cela ne soit appelé qu’un simple accident auquel rien n’aurait pu remédier ! Dans cet accident il y avait de quoi tuer trente personnes, trente victimes d’un état de société à demi barbare où l’on voit toutes choses laissées à l’abandon ; aucunes lois municipales mises en vigueur, si ce n’est celles qui molestent ou fatiguent les citoyens ; rien d’établi, ni même rien auquel on songe pour la sûreté ou simplement la commodité publique ; enfin la négligence, le désordre, le mépris ou l’ignorance des lois les plus élémentaires d’administration civique, une population habituée au laisser-faire le plus sauvage, et un corps municipal siégeant dans l’impuissance !

Une maison écroulée ! ce n’est pas tout. À deux pas de là, dans l’escalier qui mène à la basse ville, c’est-à-dire dans une impasse large de dix pieds tout au plus, où montent et descendent chaque jour des centaines de personnes, une autre maison allait cheoir, ses pierres s’ébranlaient, le toit s’enfonçait, le ciment gémissait et s’échappait en débris sur la tête des passants. C’est à la dernière heure, au moment où la maison allait