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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/254

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CHRONIQUES

pigeons de mer. C’est là qu’ils déposent leurs œufs, chaque espèce séparément ; jour et nuit ils lui font un dôme de leurs ailes, et l’on entend leurs cris aïgus à travers les sifflements de la bise. On raconte qu’un hardi pêcheur avait réussi à fixer une corde au sommet du plateau, et qu’il s’en servait pour aller ramasser, en une seule nuit, sept à huit quarts d’œufs qu’il descendait au moyen de poulies attachées à la corde ; mais, un beau jour, la corde trop usée manqua, et, barils et pêcheur roulèrent dans l’abîme. Depuis lors, toute tentative de ce genre a été interdite par la loi.

Percé est le plus grand entrepôt de pêche de tout le Golfe. C’est là que les Robin ont leur principal établissement, sans compter ceux qu’ils ont à Gaspé et à Paspébiac. On voit du bateau sur le rivage les longues claies ou échasses sur lesquelles la morue sèche et d’où elle est expédiée aux Antilles, de même qu’au Brésil et au Portugal. Une multitude de bateaux-pêcheurs nous entourent, la plupart faisant la pêche à la morue, au hareng et au maquereau. Quel réservoir inépuisable que ce golfe St-Laurent ! Croiriez-vous que des goëlettes prennent de soixante-quinze à cent quarts de harengs en un seul jour, non-seulement pendant toute une saison, mais encore depuis des siècles chaque année, et qu’il n’y a aucune raison pour que cela finisse jamais !

Il en est ainsi du maquereau, si abondant qu’il fatigue les pêcheurs ; il n’y a qu’à jeter et tirer incessamment la ligne ; l’un met l’appât, l’autre hâle, et