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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/303

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lons et de pâturages comme ceux des beaux comtés agricoles de l’Angleterre ; faisant un commerce actif, surtout de bois, possédant trois avocats, dont deux sont idiots et le troisième ivrogne ; plus, un chef de douane qui est un bandit de grand chemin, et un vaste établissement pour la préparation de la morue.

Les deux tiers de Bathurst sont peuplés d’Acadiens, dont plusieurs ont des magasins considérables ; l’autre tiers est formé d’Écossais et d’Irlandais généralement employés sur l’Intercolonial. Bathurst possède encore un couvent et la plus belle église de toute la Baie des Chaleurs, à côté du plus brillant jardin de l’Amérique anglaise ; ce jardin appartient à l’honorable Fergusson, le roi de ces régions, un rustre consommé.

Cette petite ville est très ennuyeuse ; la vie sociale, qui résulte de positions indépendantes, de la culture intellectuelle et de loisirs élégants, y est à peu près inconnue. À Bathurst, il est rare qu’il y ait une veillée et presque inouï que l’on danse. J’ai déjà dit que cette absence de vie sociale chez les populations de la grande baie influait beaucoup sur leurs mœurs ; voici un fait brutal qui le démontrera mieux que toutes les considérations et qui fera voir quelle arme barbare peut devenir la loi entre des mains grossières.

Depuis trois jours j’étais installé dans une vaste maison somptueusement meublée, ornée avec profusion et avec recherche, ayant des corps de logis distincts comme ceux des châteaux, des chambres à coucher grandes comme des salons et des passages qui sont de