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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/324

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le même jour. Dans notre pays il y a une espèce d’oiseaux qui ressemblent beaucoup à celui-là ; on les appelle vulgairement des contracteurs (entrepreneurs.) Leur mets de prédilection est le bank-note ; il y en a qui en avalent en hors-d’œuvres pour plus de cinq cent mille dollars en deux ou trois ans.

Dans les parages de la Cafrerie, un capitaine de navire a vu capturer un oiseau gigantesque qui avait saisi et mis en pièces un éléphant et en avait déjà mangé le quart, quand on parvint à le tuer à l’aide de flèches empoisonnées. Une des grandes plumes des ailes ayant été coupée, on vit que le tuyau pouvait contenir deux outres d’eau et plus.

Il n’y a aucune raison de s’étonner de ces prodiges. La nature est partout conséquente et judicieuse. Dans les pays où les arbres atteignent une hauteur de trois cents pieds, il n’est que juste qu’il s’y trouve des oiseaux d’au moins vingt pieds de long pour se nicher dessus. Chose étrange toutefois ! C’est dans ces mêmes pays qu’on voit le plus d’insectes ; mais cette apparente disparité se concilie aisément au moyen du proverbe : « Les extrêmes se touchent. »

L’homme est rarement embarrassé dans ses explications de l’inconnu ; pour les choses qu’il ne comprend pas, il imagine la loi des contrastes qui répond à tout. Avec cela on va loin, et quand par hasard on se trompe, on s’en console au moyen d’un autre proverbe : errare humanum est. Si la loi des contrastes est si naturelle et si vraie, il me semble qu’on ne peut guère voir un moucheron sans songer de suite à un éléphant, ni de même voir le gouvernement provincial sans se porter immédiatement vers le système solaire au sein duquel