Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/392

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est guère possible, à moins qu’elle ne pardonne, aussi elle, comme tant d’autres l’ont fait, sur la tombe à peine fermée d’hier, et où reposent pour un jour les passions et les inimitiés politiques en attendant qu’elles éclatent demain, peut-être plus violentes et plus acharnées.

Jamais temps plus doux, jamais soleil plus bienfaisant, plus pur et plus calme ne s’offrit à nos regards, que le soir où les restés mortels de sir George furent transportés à la cathédrale de Québec. Il semblait qu’un seul et même concert de la nature, suave et doucement solennel, se joignît à la voix profonde du libera pour ne faire qu’un chant qui montât avec des accords toujours plus imposants vers les cieux. On n’eût jamais pensé à prendre un pareil jour pour un jour de deuil, ni à faire contraster les lugubres ombres des tentures avec le blanc et le bleu limpides du firmament. Le lendemain et le surlendemain, encore un temps délicieux : mais la mort n’arrêtait pas son œuvre ; elle a frappé indistinctement à bien des portes depuis.

C’est donc au moment où tout renaît, où la nature se pare, où tout aspire à la vie, où tout ce qui respire en jouit avec plus de force et de bonheur, où, jusqu’aux plus tristes vieillards, tout se sent rajeunir, c’est à ce moment-là, dis-je, que la mort se montre cette année plus avide, plus aveugle, plus impitoyable que jamais !

Ah ! c’est toujours bien étrange, et c’est vraiment parfois insupportable qu’aux deux actes les plus so-