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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/100

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sujet du casuitisme des devoirs politiques qu’il n’était dans son caractère d’en avoir. Pour moi, je me garde bien de blâmer ou de louer ses idées, ni de le citer comme un exemple à suivre ou à éviter dans des circonstances analogues. Je me contente de le peindre simplement tel qu’il est, et tel qu’un homme de cette sorte serait inévitablement, soumis aux mêmes influences et dans ce monde particulier auquel il appartenait si complètement. Ce n’est pas moi qui parle, c’est Marc Aurèle.

C’est lui qui parle, et non pas moi.

Randal n’eut pas le temps de discuter davantage. Ils étaient arrivés à l’hôtel, et le ministre, prenant un flambeau de la main de son domestique, fit un signe de tête à Leslie, et se retira dans sa chambre, l’air triste et harassé.


CHAPITRE XXIX.

Ce ne fut cependant pas la grande question en litige qui décida de la campagne politique. Le ministère triompha dans la bataille et périt dans une escarmouche. Ce fut un fatal lundi, sur une question de finances et de chiffres. Les orateurs étaient médiocres et peu nombreux. Tous les membres du gouvernement gardaient le silence, à l’exception du chancelier de l’Échiquier et d’un employé au conseil du commerce que la Chambre condescendait à peine à écouter. L’assemblée était peu disposée à s’occuper de chiffres. Entre neuf et dix heures du soir retentit la voix sonore du président : « Faites sortir les étrangers. » Et Randal, tourmenté de fâcheux pressentiments, descendit de son siège et sortit. Il se retourna pour jeter un dernier coup d’œil sur Egerton ; un membre lui parlait à l’oreille ; le ministre releva son chapeau, et ses regards firent le tour des bancs, se portèrent sur les galeries, comme pour calculer rapidement le nombre relatif des deux armées en présence ; puis il sourit amèrement et s’appuya sur le dos de son siège. Leslie n’oublia de longtemps ce sourire.

Parmi les étrangers bannis avec Randal pendant le scrutin, se trouvaient plusieurs jeunes gens attachés comme lui à l’administration, les uns par la parenté, les autres par leurs places. Les cœurs battaient vite et fort dans les attiques encombrés. Quelques mots de mauvais augure s’y échangeaient à voix basse. « On dit que le gouvernement aura dix voix de majorité. — Non ; on dit qu’ils seront battus H. dit qu’ils auront cinquante voix contre eux.

— Je n’en crois rien, dit un lord de la chambre à coucher, c’est impossible. J’ai laissé cinq des leurs dînant au club des Voyageurs. Aucun d’eux ne pensait que le vote aurait lieu de si bonne heure. C’est une ruse des whigs. C’est un procédé honteux ! »