Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XXX.

Le baron Lévy n’exécuta pas sa menace d’aller trouver Egerton le lendemain. Peut-être craignait-il de rencontrer de nouveau l’éclair de ce regard indigné. Et de fait, Egerton fut trop occupé toute la matinée pour vaquer à autre chose qu’aux affaires publiques ; Harley seul fut admis auprès de lui, il était accouru pour le consoler, l’encourager.

Lorsque la Chambre se rassembla de nouveau, on annonça que les ministres s’étaient retirés, et ne conservaient leurs portefeuilles qu’en attendant que leurs successeurs fussent nommés. Mais déjà une réaction avait lieu en leur faveur, et lorsqu’il fut généralement connu que la nouvelle administration devait être composée d’hommes pour la plupart nouveaux aux affaires, la superstition publique, qui veut que le gouvernement soit comme un métier nécessitant un apprentissage régulier, commença à prévaloir, et l’on disait dans les clubs que le nouveau ministère ne pouvait durer, et qu’avant un mois l’ancien serait rétabli. Peut-être était-ce par cette raison que le baron Lévy n’avait pas jugé prudent d’aller offrir à Egerton ses vindicatives condoléances.

Randal passa la matinée à s’enquérir de ce que comptaient faire les gens placés dans une situation analogue à la sienne. Il apprit avec satisfaction qu’un très-petit nombre d’entre eux songeaient à quitter leur emploi. Comme l’avait dit Randal à Egerton : le pays avant le parti !

La place de Randal était pour lui fort importante ; elle exigeait peu de travail ; les émoluments qui y étaient attachés suffisaient amplement à ses besoins et aux dépenses qu’exigeait l’éducation d’Olivier et de Juliette. Car il faut rendre justice à Randal, si indifférent qu’il fût pour le reste de ses semblables, les liens de famille étaient pour lui sacrés, et il avait résisté à bien des tentations ordinairement toutes puissantes sur les personnages, dans l’espoir d’élever l’honnête et stupide Olivier et la négligente Juliette jusqu’à son propre degré de culture et de distinction. Les hommes essentiellement rapaces et dépourvus de scrupules, font souvent du soin de leur famille une excuse à leurs vices. Richard III lui-même, s’il faut en croire les chroniqueurs, s’excusa du meurtre de ses neveux sur son affection passionnée pour son fils. En perdant sa place, Randal perdait tout moyen d’existence, à l’exception de ce que pourrait lui donner Egerton ; et si Egerton était réellement ruiné ! De plus, Randal s’était déjà acquis, dans ses fonctions, une réputation d’homme capable et laborieux. C’était une carrière dans laquelle, en se tenant à l’écart des partis